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lundi, 29 juin 2015 15:58

Genève XIXe siècle

sans couverture 1Sarah Scholl
En quête d’une modernité religieuse.
La création de l’Eglise catholique chrétienne de Genève au cœur du Kulturkampf (1870-1907) 
Neuchâtel, Alphil-Presses universitaires suisses 2014, 472 p.

Sarah Scholl publie une véritable somme sur l’évolution de l’Eglise catholique chrétienne de Genève, dans la deuxième moitié du XIXe siècle. Le livre est divisé en cinq parties. L’auteure évoque d’abord les mouvements de pensée dans tous les courants genevois du milieu du XIXe siècle. Puis elle décrit la lutte contre ce qui était considéré comme l’esprit conquérant de Rome. Elle mentionne ensuite l’ecclésiologie de la nouvelle Eglise en formation - peut-être la partie la plus laborieuse de l’ouvrage - et les débuts de cette nouvelle culture religieuse. Enfin, elle suit les pas de l’Etat à la recherche de sa neutralité religieuse. Une bibliographie très complète et un index des acteurs de l’époque clôt l’ouvrage.
Ce livre est une mine d’enseignements, et la rigueur du travail de l’auteure exemplaire. Elle a réalisé une besogne de bénédictin afin de trouver des témoins solides pour la période étudiée. Les notes et références en bas de page renvoient à ses sources ; leur nombre total de 1694 donne le vertige. Le plan historique est sans reproche : on peut trouver à redire sur certaines de ses conclusions, on ne peut pas l’accuser de parti pris. De plus, la composition est soignée. Evitant le côté théâtral de certains auteurs d’Histoire, elle introduit, puis boucle les grands chapitres par des paragraphes de synthèse. Cela permet de retrouver facilement les grands axes de sa pensée.
Sarah Scholl évite de structurer le XIXe siècle en coupures nettement marquées. Les acteurs sont situés dans le souffle de leur temps : ils sont influencés par leur entourage, tout comme ils l’influencent à leur tour. La recherche d’une indépendance de l’Etat et des citoyens face à une Eglise jugée trop envahissante est une ligne claire.
Le livre suscite une multitude de questions. Prenons en deux. Comment se fait-il que le catholicisme romain ait tant de peine à se réformer ? Que d’anathèmes ont été prononcés contre la messe en langage vernaculaire, alors que les catholiques chrétiens l’ont pratiquée très tôt et sans problème ! Il n’y a rien à faire : l’Eglise a souvent besoin d’être poussée de l’extérieur pour se résoudre à se réformer.
Ensuite, pourquoi toutes ces passions à l’époque du Kulturkampf ? La chute brutale du pouvoir catholique à la Révolution française était difficile à accepter tant pour les fidèles que pour la hiérarchie. Le Kulturkampf s’est terminé en queue de poisson parce que les deux parties ont compris, avec une certaine humilité, qu’ils ne pouvaient pas gouverner l’autre camp. Il est grand temps pour les catholiques romains de réviser les images du « saint » Gaspard Mermillod et du « diable » Antoine Carteret ! Personne ne cherche plus à ériger des monuments à des personnages qui ont tentés de canaliser, du mieux qu’ils le pouvaient, les mouvements de leur temps.
Ce livre est un pilier, que j’ai lu comme un roman policier. Ce n’est pas à une Eglise d’exclusion que nous sommes appelés, mais à une Eglise d’inclusion.

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