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jeudi, 03 septembre 2015 16:23

Les écrits de Frère Roger

Roger 44826Roger 45214[1] Frère Roger de Taizé
Vivre l’aujourd’hui de Dieu et les premiers livres, Presses de Taizé 2013, 270 p.

[2] Frère Roger de Taizé
Dynamique du provisoire. A l'écoute des nouvelles générations 1962-1968, Les Presses de Taizé, 2014, 283 p.

[1] Vivre l’aujourd’hui de Dieu

Ce livre est le troisième tome d’une série de publications visant à rendre accessibles, peu à peu, les textes du fondateur de Taizé, déjà publiés mais épuisés ou demeurés inédits.
La première édition de Vivre l’aujourd’hui de Dieu date de 1959 et se présenta sous la forme d’un petit livre de poche imprimé serré, sans aucune prétention. Pourtant le titre fit choc et la simplicité du style séduisit. En vingt ans, plus de 100 000 exemplaires furent vendus en français et plus encore en allemand. Frère Roger choisit alors de laisser le livre s’épuiser et de ne plus le réimprimer. Pourtant, si certaines pages portent la marque d’une époque, celui-ci demeure un livre phare ; d’où sa réimpression avec quelques corrections apportées au cours des années par l’auteur.
Le texte pose beaucoup de questions et de constats : « l’impossibilité de tant de milieux de chrétiens à établir un dialogue avec les hommes des masses incroyantes, l’accélération de toutes les évolutions, la faim dans le monde grandissante, le besoin frénétique de “vivre sa vie” en s’appuyant parfois sur des théories psychologiques mal comprises. »
L’auteur recommande la vie intérieure, qui est plus facile à décrire qu’à vivre. D’où un combat, un cheminement vers une maîtrise de soi, avec le regard fixé sur le Christ et ... aux jours de lassitude, quand la flamme intérieure semble éteinte, une attente en silence. Se souvenir que « sur le sol durci, une rose a fleuri ».
L’esprit hérité de la Rome antique traversant la chrétienté européenne nous a mal préparés, nous autres Occidentaux, à l’aboutissement de la vie intérieure, qui est la contemplation. Force est de reconnaître que nous sommes incapables de tout comprendre de l’enseignement des Ecritures et que c’est le peu que nous avons assimilé qui trouve des racines en nous. Pour suivre les voies de l’œcuménisme, il faut barrer les chemins de traverse : confusionnisme, pragmatisme, fédéralisme, réunionisme, eschatologisme, sectarisme, intégrisme, pour déboucher sur le dialogue avec pureté d’intention, patience et prière.
Il est aussi question dans ce livre de célibat, de vie communautaire. Le fondateur de Taizé insiste là encore sur la discipline intérieure, « qui n’est pas repliement mais concentration de toute la personne menant à la méditation par laquelle la Parole est saisie pour être mise en pratique ». Si la souffrance de la division des chrétiens est immense pour Frère Roger, une grande espérance vibre dans son cœur : celle d’une unité à venir qui ne serait pas triomphe des uns sur les autres, car s’il devait y avoir victoire et défaite, nul n’accepterait une telle unité. L’unité sera au cœur de la vie des hommes comme le levain dans la pâte. C’est sur cette vision magnifique que je vous laisse savourer ce beau livre.

 

[2] Dynamique du provisoire

En 1965 déjà, dans son livre Dynamique du provisoire que le pape Paul VI gardait toujours sur sa table, Frère Roger écrivait : "Autrefois, les schismes menaçaient. Aujourd'hui, c'est l'indifférence des plus jeunes. Ce que la nouvelle génération demande, c'est qu'on lui prouve qu'on vit l'Evangile dans sa fraîcheur première... en esprit de pauvreté, dans la solidarité avec tous et non seulement avec une famille confessionnelle ! Où est cette dynamique sinon dans un retour aux sources... une réconciliation. Car catholique ou protestantes, les générations montantes exigent la réforme des institutions vieillies." Mais, poursuit-il, rien de durable ne s'accomplit sans une création commune ! Et cela, jour après jour, chaque membre de la communauté de l'Eglise participe à la recréation du corps tout entier. Et seul celui qui a le sens des continuités peut être au bénéfice du provisoire.
Avec Frère Max, ils seront invités à suivre les différentes sessions du concile Vatican II. Lors de la première, ce fut Pacem in terris, un document limpide écrit en un langage accessible que le pape, préoccupé de prononcer une parole pour tous, prit la décision en une nuit de publier. Puis ce fut la mort de Jean XXIII et la 2e session avec Paul VI.
Apparaissent alors chez Frère Roger des sentiments un peu perplexes... les évêques passent trop de temps à parler de questions internes à l'Eglise. A la fin de la 2e session on entend des échos pessimistes sur le travail du Concile et certains sont déçus. A la 3e session, Frère Roger se rend compte que le chemin vers l'unité des chrétiens séparés sera beaucoup plus long qu'il ne l'avait pensé et qu'une des forces de l'oecuménisme passera par le monde des pauvres. 4e session : Frère Roger multiplie à Rome contacts, rencontres, conférences, invite un cardinal et vingt évêques latino-américains à venir avec lui à Taizé retrouver soixante jeunes du même continent étudiant en Europe.
Dans le chapitre intitulé Troisième voie, il nous confie à travers certaines pages de son journal, ses questionnements et ses larmes intérieures, à la suite de confidences de jeunes : sévérité des aînés... indifférence, violence, soif de libération. Alors, il se répète : « Nous sommes en période d'enfantement et l'homme qui ne supporte pas le vide remplace le sacré aboli par des cérémonies, des inaugurations, des décorations, des drapeaux... » Dans le chapitre Cela est dépassé, il confie ses questionnements, ses échanges avec de nombreux visiteurs qui exposent leurs doutes face à l'oecuménisme. Comment voir l'avenir après tant de siècles de séparations ? Enfin, dans Traversés d'espérance, il voit malgré la confrontation, l'Eglise de demain qui se prépare... à un printemps. Et pourtant à certains moments, il a l'impression que les puissances d'un monde de ténèbres ne veulent pas de l'unité entre chrétiens.
Dans les pages de son journal, on rencontre un homme d'une immense humilité - « à chaque jour un combat nouveau » - et cet homme nous touche au plus profond de nous-mêmes.

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