bandeau art philo
dimanche, 06 septembre 2009 12:00

Alliance et espérance

Ganne 42089Pierre Ganne, Notre raison d'espérer, Lethielleux-DDB, Paris 2009, 304 p.

Jésuite et théologien, l'auteur a conduit de multiples sessions et retraites dans les années '60 et '70. Cet ouvrage, que nous devons à deux personnes qui l'ont bien connu, rassemble les causeries données au cours de trois sessions. Des causeries enregistrées ou prises en sténo, d'où le style oral et familier. Le premier thème tourne autour de l'espérance, chemin critique des puissances et du sacré. Le deuxième aborde l'homme en qui on investit son espérance et le troisième parle de responsabilité.

Cette troisième partie survole des thèmes déjà abordés dans les deux premières et donne l'impression de redites. Mais, nous avertissent les préfacières, il s'agit là de la méthode du Père Ganne. Il procédait toujours en spirale, revenant par cercles successifs sur les mêmes points, en s'approchant toujours plus du centre où tout s'éclaire. Méthode très pédagogique, qui laisse au lecteur ou à celui qui écoute un temps de maturation. La pensée de l'auteur est vigoureuse, rigoureuse, rude parfois, décapante souvent, mais éclairée d'une certaine tendresse fraternelle.

Quand il vous demande ce qu'évoque pour vous le mot « Evangile », vous restez en suspens, vous essayez de trouver votre propre réponse, loin des enchevêtrements d'abstractions comme disait Claudel, mais près d'une expérience quotidienne. La grande tentation des chrétiens dans l'Histoire, nous dit-il, c'est de sacraliser le profane, et les hommes, hélas ! ne demandent que cela ! Ils attendent qu'on leur propose la présence d'une puissance, une puissance en plus garantie par l'Eglise.

Comment comprendre cette parole de Jésus : « Je ne suis pas venu apporter la paix mais la division ? » On bute sur des obstacles qui paraissent à vues humaines infranchissables. Car il y a de fausses paix où l'homme s'abrutit, l'aliénation pouvant être agréable... On peut être esclaves sans s'en apercevoir.

Par ces paroles, le Dieu de l'Incarnation révèle à l'homme le pouvoir du Créateur, qu'il communique à ceux qui veulent être ses enfants afin qu'ils échappent au double péril, celui de s'enfermer dans la solitude et le désespoir ou celui de s'aliéner dans des communautés où ils sont malheureux. L'alliance où il n'y a rien d'unilatéral mais une réciprocité exige donc deux partenaires et l'auteur de nous souffler : « Nous prions Dieu mais nous oublions que Lui aussi nous prie comme dans toute alliance. »

C'est ici l'expérience d'un homme qui a passé sa vie à témoigner d'une relation intime avec son Dieu et qui ne désire rien tant que chacun puisse vivre sa propre expérience.

Un livre dense nous obligeant souvent à nous arrêter pour laisser descendre en nous des paroles parfois dérangeantes mais qui ne demandent qu'une chose : creuser encore plus profondément un sillon.

Lu 3824 fois