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mardi, 12 mars 2019 16:33

Artisan d’art, un métier d’avenir… en Asie?

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Dernière manufacture européenne de harpes de concert 100% artisanales aux côtés de deux marques qui fabriquent en série (Salvi en Italie et Camac en France), David est une référence auprès des orchestres et des solistes. Cela assure-t-il du beurre dans les épinards ? Autant aimer les épinards sans beurre, et les agrémenter d’une bonne dose de passion. À passé l’âge de la retraite, Gérard David avoue que l’avenir de ses harpes made in Switzerland passera peut-être par… l’Asie!

Depuis quelques années, avec l’organisation des journées européennes des métiers d’art (la Suisse y participe depuis 2012) et l’appui des réseaux sociaux, les artisans d’art tendent à revenir sur le devant de la scène, une visibilité nouvelle qui s’inscrit dans une réflexion plus globale autour de la consommation durable. Est-ce à dire que ces métiers aux savoir-faire précieusement élaborés au fil des siècles ont un avenir durable ? Peut-être, mais pas forcément en Suisse, ni même en Europe. Le marché du travail a redistribué les cartes de la consommation et les atouts ne sont pas de ce côté de la table. À tel point que l’avenir de la célèbre marque David de Sainte-Croix (VD), facteur de harpe depuis plus de 30 ans, passera peut-être par la Chine. «On a reçu des appels du pied de la Chine pour reprendre notre fond de commerce. Des investisseurs qui seraient prêts à racheter notre savoir-faire et la marque.»

Le problème, c’est que les beaux discours sur la noblesse des métiers d’art n’apportent pas de volume de travail. «L’horlogerie est l’une des rares branches artisanales d’art qui s’en sort un peu… L’artisanat, en effet, est un secteur de l’industrie qui est mis de côté depuis des décennies. Le train est passé. Difficile aujourd’hui de raccrocher les wagons», commente Gérard David qui fabrique une vingtaine d’instruments par an, sur mesure, et vend ses harpes aux quatre coins du monde. Il ne se dit pas pessimiste, mais réaliste. «En Suisse, et même en Europe, la main-d’œuvre est trop chère et les financements difficiles à trouver. Les banques préfèrent investir dans des start-up, même si nombre d’entre elles ferment après avoir utilisé les fonds. J'avoue avoir parfois de la peine à comprendre ce marché opportuniste alors que nos entreprises sont souvent plus pérennes sur le long terme.»

L’ouverture du marché européen a joué en défaveur de la manufacture. La baisse des commandes après la chute du taux de change entre le franc suisse et l’euro a été importante. La manufacture David ne travaille pour ainsi dire plus avec la France, l’Allemagne et l’Autriche qui étaient pourtant ses marchés de prédilection. « C’est vrai pour les particuliers, mais aussi les institutions et certains orchestres pour qui nous avons assuré la maintenance de leurs instruments durant une trentaine d’années et qui ne nous ont même pas demandé d’offre quand il s’est agit d’acheter de nouvelles harpes… Si je devais repartir aujourd’hui, j’essayerais de m’installer dans un endroit où l'on est soutenu et où la main-d’œuvre est moins chère. »

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