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mardi, 01 mars 2016 15:52

Un monde sans pause

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Lorsqu’on lui demande si l’immobilité existe dans l’univers, la réponse fuse, sans équivoque: «Non.» L’astrophysicien suisse Thierry Courvoisier[1] est formel: la notion de pause telle que nous la comprenons intuitivement ne peut pas être transposée au macrocosme ni au microcosme. «Le mouvement absolu n’existe pas, ni du coup le repos absolu. Car il n’y a pas en physique de repos ou de mouvement que les uns par rapport aux autres et inscrits dans une combinaison d’espace-temps.» Même un corps soumis à une densité extrême n’est pas en pause, car on ne peut pas distinguer le mouvement uniforme du repos.

Inutile donc d’essayer d’imaginer un espace où rien ne bougerait. On sait aujourd’hui que, sous l’effet d’un lent refroidissement, l’univers se dilate et que tous les corps qui l’habitent s’éloignent les uns des autres. Les découvertes scientifiques ont défini un point de température extrême, dit 0 absolu (−273,15 °C) ou 0 Kelvin, où les mouvements des particules sont réduits au minimum. Mais même là, explique Thierry Courvoisier, les électrons continuent à être dotés d’énergie. Un être peut donc bien se penser immobile - à l’image de Norman Bates, le psychopathe imaginé par Alfred Hitchcock pour Psychose, qui décide, une fois arrêté, de ne plus manifester l’ombre d’un mouvement - mais ce ne sera là qu’illusion. Non seulement l’infinité de particules qui le composent restent en mouvement, mais la Terre où il est posé se déplace à la vitesse moyenne vertigineuse de 30 kilomètres/seconde...
A vrai dire, cela ne fait pas si longtemps (une petite cinquantaine d’années) que les images d’un univers en perpétuel mouvement s’inscrivent dans l’esprit humain. Il a fallu attendre la conception d’instruments de mesure et d’observations astronomiques permettant de dépasser les capacités d’abstraction des humains pour comprendre que l’immuabilité ne fait pas partie de l’univers. C’est à partir des représentations linéaires de l’espace-temps, de ses projections et extrapolations issues de ses propres expérimentations que l’humain tente d’appréhender les lois physiques. Or il se retrouve souvent dans le champ de la métaphysique plutôt que dans celui de la science, explique Thierry Courvoisier. « Ainsi quand l’homme a nommé Dieu “l’Eternel”, il s’est basé sur ses observations du ciel à l’œil nu. Les seuls mouvements détectables étaient ceux des planètes. Le reste lui paraissait immobile, immuable, parfait. »
Inutile donc de partir à la quête du vide absolu ou d’un espace-temps « à l’arrêt ». L’aspiration de Lamartine de voir le temps suspendre son vol semble bien devoir rester un vœu pieux ... pour l’éternité !

[1] • Président de la Société européenne d’astronomie (eas.unige.ch) et de l’Académie suisse des sciences.

Pour appréhender les questions de temps et de l’instant 0, il est recommandé de lire l’article du physicien Etienne Klein, aux pages suivantes.

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