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mardi, 23 mai 2017 14:14

Le "Petit Homme" qui y croyait

LittleBoy2Pepper, 8 ans, vit dans une petite ville américaine des années 40. «Je suis un nabot ou quoi?» demande-t-il au médecin qui constate année après année qu’il ne grandit pas. «Disons que tu es un... petit bonhomme». Little Boy se fait harceler par les gosses du quartier, et n’a pas d’ami... à part son père, avec qui il invente toutes sortes d’aventures héroïques, au cœur desquelles, au moment critique, a invariablement lieu cet échange rituel: «-On peut y arriver! T’y crois? -Oui, on peut y arriver! J’y crois!»

Lorsqu’après l’attaque des Japonais à Pearl Harbour, son frère aîné est considéré inapte à l’engagement militaire parce qu’il a les pieds plats, son père se sent obligé de partir lui-même au front. Pepper est anéanti. Un dimanche, à la messe, il entend le Père Oliver déclarer: «Si vous avez de la foi gros comme un grain de moutarde, rien ne vous sera impossible... même le retour d’un être cher!».

Lors d’un spectacle de Ben Eagle le magicien, Little Boy est appelé sur scène, et arrive à faire bouger une bouteille à distance. «Tu as maintenant le pouvoir», lui dit Ben Eagle, «c’est à ton tour d’accomplir l’impossible». Puis, après avoir été entraîné par son frère dans l’agression d’Hashimoto -un Japonais de la ville devenu persona non grata-, Pepper se confesse au Père Oliver, et en profite pour lui demander si la graine de moutarde peut lui donner un «super pouvoir». Le prêtre lui donne alors une «formule magique», inspirée du passage de l’Évangile de Mathieu (Mt 25,31-46) relatif à la parousie du Christ:
«- Nourris celui qui a faim, recueille le sans-abri, rend visite aux prisonniers, couvre celui qui est nu...
- Qui est nu?... En quoi c’est censé...
- Va voir les malades, enterre le mort... Oh, encore une chose, pour que cette liste fonctionne parfaitement, j’ajoute un point essentiel: sois ami avec Hashimoto.
- Mais ça va pas!? Qu’est-ce que ce Jap à avoir là-dedans?
- A peu près tout. Ta foi ne pourra fonctionner s’il reste en toi le moindre sentiment de haine. A toi de voir, Pepper.»

Au cours d’un parcours initiatique tout entier tendu vers cet objectif du retour du père au bercail, sous la houlette du prêtre et du vieux Japonais ostracisé, Pepper va aller jusqu’à se croire responsable de la fin de la guerre (le nom de code de la bombe atomique à Hiroshima étant Little Boy). Il va surtout apprendre la pratique des vertus qui fondent la foi.

Émouvant
J’ai été voir ce joli conte familial avec ma fille de 9 ans et nous avons tous les deux beaucoup aimé. Par sa fraîcheur, sa naïveté assumée et son point de vue chrétien, Little Boy se démarque nettement de la production actuelle pléthorique de films pour enfants. Il m’a rappelé un autre film américain sorti il y a quelques mois, avec un héros très pur, et dont l’action se déroulait à la même période: Hacksaw Ridge (Tu ne tueras point) de Mel Gibson. Faut-il remonter à cette époque pour instaurer la vraisemblance de personnages clairement chrétiens dans une histoire dénuée de cynisme?

En tous cas, Little Boy est un film émouvant, qui présente avec simplicité et fantaisie les tâtonnements de la foi connus par beaucoup d’enfants. Je me souviens avoir été frappé à la messe, comme Pepper, par ce passage de l’Évangile de Matthieu (Mt 17,20) : «Car, je vous le dis en vérité, si vous avez de la foi comme un grain de sénevé, vous direz à cette montagne: Déplace-toi d'ici à là, et elle se déplacera, et rien ne vous sera impossible.» Et de tenter incontinent de déplacer un objet dans l’église!...

LittleBoyPlus profondément, cette histoire montre que la foi, comme la croix, engage l’être dans deux dimensions indissociables: verticale et horizontale. Hier soir, en regardant le film du cinéaste israélien Amos Gitaï Le Dernier jour d'Yitzhak Rabin (2015), qui revient sur l’assassinat de cet homme de paix par un fanatique juif ultra-orthodoxe, il m’est apparu évident que c’est la relation à l’autre, au prochain, qui constitue l’épreuve de vérité de la foi: il ne peut y avoir d’authentique relation au Dieu d’Amour et à ses Amis du Ciel si l’on est dans la haine (et a fortiori dans la violence meurtrière). C’est ce qu’apprend le petit garçon de Little Boy.
Au plan formel, Little Boy tient modestement la route, malgré un scénario parfois un peu poussif. Le réalisateur mexicain Alejandro Monteverde a donné à ses images une patine mordorée, une luminosité originale et cohérente avec l’univers et le ton de son film.

J’apprécie aussi particulièrement le choix d’Emily Watson dans le rôle de la mère de Pepper. Cette actrice britannique était devenue soudainement célèbre en 1996, pour son rôle dans Breaking the Waves, le film de Lars von Trier qui avait obtenu le Grand prix du jury à Cannes. Elle y jouait une jeune fille naïve et pieuse, qui se marie à un homme d'âge mûr travaillant sur une plate-forme pétrolière. Suite à un accident de travail, il est paralysé et entraîne sa jeune épouse dans une relation perverse où elle devient une sorte de victime sacrificielle. Vingt ans plus tard, voilà l’actrice dans un film beaucoup moins prétentieux artistiquement, mais beaucoup plus pertinent spirituellement.

 

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