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lundi, 16 août 2021 10:05

Jean-Paul II, l’ombre du saint

PedottiChristine Pedotti, Anthony Favier
Jean-Paul II, l’ombre du saint
Paris, Albin Michel 2020, 336 p.

Dans leur nouvel ouvrage, la théologienne Christine Pedotti et l’historien Anthony Favier ne craignent pas d’écorner l’image de l’un des papes les plus populaires de l’histoire. À la lumière des scandales qui émaillent l’histoire récente de l’Église, les auteurs réévaluent l’héritage de Jean-Paul II.

La commémoration du centenaire de la naissance de Karol Wojtyła, canonisé moins de dix ans après sa mort, aurait dû donner lieu à nombre de parutions célébrant sa mémoire. Pourtant, rien de tel pour le pape de tous les superlatifs. Une sensation de malaise plutôt face «à la gravité de la crise qui affecte le catholicisme au plan mondial». En effet, «les fruits» du second pontificat le plus long de l’histoire «se révèlent terriblement amers», selon l’essayiste Christine Pedotti et l’historien Anthony Favier.

De prime abord, la lecture de cet ouvrage laisse planer un doute. En mars 2019, Christine Pedotti, accompagnée d’un collectif de femmes en colère, demandait la dé-canonisation de Jean-Paul II. Instruirait-elle un dossier à charge du pontife polonais? On pourrait le croire, car tout y passe, ou presque. Les deux rédacteurs de Témoignage chrétien s’appuient sur les discours pontificaux et les textes officiels pour montrer de quelle manière Karol Wojtyła, imprégné d’un catholicisme très traditionnel, a mené son projet de «réarmement spirituel du catholicisme». Sa volonté affichée de recléricaliser l’Église catholique, tout en la ramenant sur des bases conservatrices, donne le sentiment de moderniser l’image de l’institution, mais la ramène, de fait, à une ère pré-Vatican II. Cette politique de reconquête «a mis fin à toutes les espérances et toutes les expériences de liberté initiées par le concile Vatican II», estiment les auteurs.

Ils relèvent aussi le manque de discernement du Saint-Père envers des institutions autoritaires comme la Légion du Christ ou l’Opus Dei et leur cortège d’abus en tout genre. Fervent partisan d’une conception plus que traditionaliste de la femme, Jean-Paul II reconnait aux femmes une pleine dignité, mais n’envisage leur mission première que dans la maternité. Il n’est en aucun cas question de «leur confier une quelconque autorité dans l’Église».

Même si Christine Pedotti et Anthony Favier considèrent qu’il est «légitime d’exercer sur le pontificat wojtylien un droit d’inventaire», ils nuancent leur propos au fil des pages et lui attribuent tout de même de vrais mérites. Ils lui reconnaissent l’audace de certaines initiatives «prophétiques», notamment dans son effort constant de réconciliation avec le judaïsme. Les deux auteurs relèvent aussi la demande de pardon de Jean-Paul II lors du carême de l’an 2000. Il avait fait acte de repentance pour tous les péchés commis par les hommes d’Église.

Le livre est agréable à lire, les décisions du pontife sont décortiquées au travers de dix-neuf dates importantes de sa vie. Malgré tout, en ne s’en tenant qu’à l’analyse de textes et discours officiels, le lecteur reste en marge de l’homme derrière le personnage public au charisme indiscutable. Il aurait été intéressant d’approfondir la part que revêt Karol Wojtyła dans la prise de décisions; cela nous aurait peut-être aidés à comprendre l’influence réelle du pape.

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