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jeudi, 22 octobre 2015 15:02

Le synode se terminera comme il a commencé

Le synode des évêques va se conclure dimanche 25 octobre. Les Pères synodaux ne semblent pas plus près de résoudre leurs conflits autour des enjeux de la famille aujourd'hui qu'il y a un an. Un des principaux points d’achoppement est l’accès à la communion pour les catholiques divorcés remariés qui ne disposent pas d’une annulation de leur premier mariage. Une autre controverse réside dans le langage à utiliser quand on parle des homosexuels. Le pape et les évêques dénoncent le fait que nombre de médias ne se concentrent que sur l’homosexualité et le divorce. Reste que c'est bien autour de ces thèmes que se concentrent les conflits entre les évêques. Peu de désaccord portent sur les autres questions.

Divorcés remariés
Un groupe d’évêques, dirigé par le cardinal Walter Kasper, aimerait voir adoptée une solution pastorale qui permettrait un processus de pénitence conduisant à la communion pour les divorcés remariés. Mais d’autres - la majorité peut-être - estiment que cela violerait la doctrine de l’Eglise. Beaucoup d’évêques espéraient qu’ils pourraient trouver une solution pastorale qui ne nécessiterait pas un changement de la doctrine, mais les plus conservateurs ne veulent pas entrer en matière là-dessus. Car le problème est qu’ils ne voient pas le divorce et le remariage comme un seul péché, qui peut être confessé et pardonné, mais comme un péché continue et renouvelé à chaque fois que le couple a des rapports sexuels. L’accès à la communion est donc refusé à ces conjoints tant qu’ils ont des rapports sexuels. Ces évêques n’affichent aucune volonté d’accepter le premier mariage comme irrévocablement cassé et détruit, ce qui permettrait aux parties de se déplacer dans leur vie.
Certains dépeignent cette problématique comme un conflit entre la Vérité et la Miséricorde. Pendant un court instant, l’espoir d’une solution a été envisagé, avec la nouvelle que le petit groupe de langue allemande du synode avait atteint un consensus. Ce groupe est composé des poids lourds de la théologie aux points de vue opposés couvrant un large spectre, dont le cardinal Kasper et le cardinal Ludwig Müller, préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi. Mais le consensus atteint s’élevait de fait à un tel niveau d’abstraction qu’il était devenu pastoralement non pertinent. Les Allemands avaient convenu que la miséricorde, la vérité et la justice ne sont pas incompatibles car ils coexistent en Dieu. Un grand pas !
Les évêques semblent inconscients du fait que, du moins à l’Ouest, le succès du synode sera jugé par les avancées qu’il permettra en termes d’accès à la communion pour les catholiques divorcés remariés. Avec, par exemple, près de 40 % des mariages catholiques se terminant aux Etats-Unis par un divorce, chaque famille se retrouve avec un membre touché par le divorce. Le remariage pour beaucoup de ces personnes se traduit par de nouvelles relations et des responsabilités considérées comme très positives. Un évêque a parlé d’un enfant qui, lors de sa première communion, a partagé son hostie avec sa mère et son père qui ne sont pas autorisés à communier. Cet enfant comprend-il mieux la question que certains évêques ?
On peut dire, à ce stade, qu’une victoire des progressistes résiderait dans un appel synodal pour une recherche continue d’une solution pastorale qui ne changerait pas la doctrine de l’Eglise. Laisser la question ouverte pour la discussion serait donc déjà un succès en soi.

Importance du langage
Lorsque les évêques veulent faire de la pastorale autour de la question des catholiques divorcés remariés, ils utilisent des mots comme « accompagner », « écouter » et « bienvenue. » Ce qui est caricaturé comme : « Vous êtes invités à venir dans notre maison, mais vous ne pouvez pas dîner avec nous. » Et comment voulez-vous « accompagner » des gens quand vous pensez qu’ils sont dans un tel état de péché qu’ils ne peuvent pas communier ? Que signifie « écouter » si vous avez déjà décidé que vous ne changerez pas votre pensée, quoique que vous entendiez ? Reste que ce vocabulaire vaut mieux que des expressions telles que « vivre dans le péché. » Peut-être les progressistes estiment-ils que les évêques seront transformés par une telle pastorale, tandis que les conservateurs espèrent pouvoir donner aux couples l’absolution sur leur lit de mort.
Que cette pastorale sans communion puisse « se vendre » au sein des paroissiens, j’en doute. Le résultat le plus probable sera que certains diocèses et paroisses et seront connus comme des lieux où les catholiques divorcés et remariés sont officieusement invités à la communion (mais ne demandez pas la permission et ne le dites pas). Avec cette idée : la pratique pastorale va changer, et la théologie la rattrapera par la suite. Pendant ce temps, d’autres paroisses et diocèses barreront publiquement le chemin des divorcés remariés. Avec le risque que ces catholiques qui ne peuvent pas trouver dans leur Eglise une paroisse plus accueillante se tournent vers une Eglise protestante.

L’homosexualité
Autre point de discorde, l’approche de l’homosexualité. En Occident, il y a un certain désir de modifier le regard de l’Eglise sur les homosexuels. Soyons clairs : aucun évêque du synode n’a parlé de bénir les mariages gays. Ni même n’a souligné les aspects positifs de ces relations comme ils l’ont fait au cours du synode de 2014. Mais certains d’entre eux aimeraient que l’Eglise cesse d’utiliser des termes comme « intrinsèquement désordonnés », ressentis comme humiliants par les gays. Même l’expression « haïr le péché, aimer le pécheur » est considérée par certains évêques comme inutile, puisque la sexualité est intrinsèque à l’identité d’une personne.
D’autres évêques, par contre, affichent une opposition obsessive à l’homosexualité. Ou la conçoivent comme un choix de style de vie. Le docteur Anca-Maria Cernea, un auditeur laïc à la tête de l’Association des médecins catholiques en Roumanie, a tenu durant le synode un discours passionné reliant l’homosexualité au marxisme, tout en faisant valoir que les homosexuels pouvaient être guéris !
La plupart des évêques synodaux se rendent compte que leur enseignement n’est pas convaincant. Pour ceux qui se considèrent comme des prophètes de la contre-culture dominante - « nous gardons la ligne, le reste du monde a tort » - cela n’a aucune importance. Par contre, ceux qui sont encore habités par des préoccupations pastorales espèrent que l’Eglise pourra reconsidérer son enseignement et trouver un nouveau langage plus convaincant. Or une nouvelle langue pourrait également signifier une nouvelle théologie, qui pourrait conduire à de nouvelles approches du problème.

Demain ?
Il est peu probable finalement que de nouvelles approches pastorales sortent de ce synode. Certains espèrent que le pape François pourra, comme par magie, en proposer. Je ne le pense pas. François est en conflit intérieur. Son instinct pastoral le conduit dans une direction, mais son respect pour la collégialité l’empêche d’aller trop loin dans ce sens. Pourtant je n’ai jamais entendu des évêques et des cardinaux être aussi irrespectueux vis-à-vis d’un pape, contestant son organisation du synode, se référant même à lui comme à un protestant et menaçant l’Eglise de fracture s’il va à l’encontre de leurs souhaits.
Le pape peut avoir le soutien du peuple, mais pourrait-il gagner un vote de confiance de ce synode ?

(Thomas Reese/National Catolic Reporter : NCR)

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