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mardi, 01 mars 2022 08:23

Les catéchistes des passeurs de lumière

Le 10 mai 2021, le pape François relevait: «Le/la catéchiste est témoin de la foi, maître et mystagogue, accompagnateur et pédagogue qui instruit au nom de l’Église.»[1] Et en même temps… le simple maillon d’une chaîne, un écho qui retentit. Sur le terrain, la transmission du message du Christ demande en effet une certaine propension au lâcher prise et une bonne dose de foi.

Peintre, familiarisée aux Exercices spirituels de saint Ignace, Catherine Menoud (assistante pastorale sur l’UP des Rives de l’Aire) aime à mettre ses pinceaux au service de la poésie et la prière. Voir sur Youtube, Saveurs de Dieu. Lorsque la peinture devient prière -Catherine Menoud- 11 février 2021.

C’est comme une goutte d’eau. Elle est transparente et devient invisible lorsqu’elle se confond avec d’autres gouttes. À elles toutes, elles forment une flaque dans laquelle les enfants se réjouissent de sauter, un ruisseau au bord duquel on aime se balader, un océan sur lequel on rêve peut-être de naviguer. Dans un verre, chaque goutte est précieuse, elle étanche notre soif ; chaque goutte est essentielle, elle désaltère nos cellules. Si une goutte manque, elle manque vraiment.

Cette métaphore vise à donner à notre propos une dimension d’humilité et d’impuissance, et à lui conférer en même temps le sens du mystère, à travers un regard d’émerveillement et parfois même de contemplation.

Un appel en appelle un autre!

En désignant des disciples, Jésus donne un signal: il a besoin d’aide pour l’annonce de la Bonne Nouvelle. Il vient les chercher dans leur quotidien, puis les laisse s’interpeller mutuellement. Dans l’évangile de Jean (1,43-51) par exemple, quand Philippe raconte à Nathanaël sa rencontre avec Jésus, il l’encourage à «aller voir»! Catéchiste à Genève, Montserrat Estruch fait sien cet appel: «Être catéchiste ne s’est pas imposé à moi. J’ai répondu à l’appel d’une autre catéchiste, pour aider un groupe d’enfants, dans lequel se trouvait mon fils, à se préparer à la communion. C’est ce qui m’a mise en chemin. Aujourd’hui, il est important pour moi de témoigner de ma foi et d’essayer de transmettre la Parole de Vie aux enfants de notre Unité pastorale (UP).»

«Une voisine qui avait appris que je donnais le catéchisme m’avait dit : ‹Mais comment es-tu tombée là-dedans?›, témoigne de son côté Francine Sauser. Cela nous questionne en tant que catéchistes, mais cela renforce aussi notre sentiment que nos valeurs sont bien là et que ce qui nous tient à cœur affermit notre sentiment que la croyance en un Dieu enrichit notre quotidien.»

C’est ainsi que se forme une chaîne, une communauté d’hommes et de femmes «appelés par l’Esprit, habités par le même désir d’aller à la rencontre de celles et ceux qui attendent de connaître la beauté, la bonté et la vérité de la foi chrétienne».[2]

Les entraves de l’évangélisation

Le monde d’aujourd’hui est celui que Dieu aime et accompagne, comme il a aimé et accompagné celui d’hier et comme il aimera et accompagnera celui de demain. L’Église n’a plus le même impact qu’autrefois, ses dérives marquent notre temps. Cependant elle résiste, non pas parce qu’elle est une institution, mais parce que son fondement repose sur la personne de Jésus Christ.

Lorsque je suis arrivée à Genève en provenance de Fribourg, j’ai découvert une catéchèse en dehors du cadre scolaire. Je me réjouissais de rencontrer des parents motivés, l’inscription et le financement faisant foi de leur engagement. Mais j’ai constaté avec surprise que ce n’était pas une évidence! Nombre de ces parents avaient eux-mêmes suivi le caté et souhaitaient la même démarche pour leur enfant, mais sans conviction profonde. J’ai pensé alors que l’inconscient collectif chargé de culpabilité était si fort que cela devait être dans l’ordre des choses! Ou que, la pression des grands-parents étant si insistante, il ne pouvait pas en être autrement…

Aujourd’hui, nous côtoyons en catéchèse des familles au style de vie compliqué et souvent très mouvementé. Les parents jonglent entre le travail et le voiturage des enfants, sans compter les nombreux loisirs. De plus, à la suite d’une séparation, certains sont occupés à gérer la recomposition de leur nouvelle famille. Au milieu de cette « agitation », l’espace pour la foi et la participation à son enseignement n’est pas forcément prioritaire. D’où le sentiment de frustration que les catéchistes peuvent ressentir. Elles donnent généreusement du temps, se rendent disponibles, cherchent à mettre en valeur l’accueil … et les excuses pleuvent. Elles puisent alors leur force dans l’enrichissement que cet engagement leur apporte, dans les beaux moments vécus, dans le désir de contribuer à être comme une petite goutte d’eau pour assurer la pérennité de la foi et ses valeurs.

Le mot «invisible» me parle, car cette transmission de valeurs est non palpable. Pour moi, elle se trouve parfois dans cette fameuse phrase que nous disons à nos enfants: «Tu comprendras quand tu seras plus grand…» (Francine Sauser, catéchiste)

À la suite de Marie

Du berceau au tombeau, Jésus se laisse accompagner par des femmes. Il reconnaît en elles la fécondité humaine et spirituelle. Il les voit capables de résilience. Il respecte leur audace et dénonce les injustices faites à leur égard. C’est sur Marie que repose le projet de Dieu pour l’humanité: son oui décisif porte le nom de toutes les femmes. Ces femmes que l’on retrouve à Pâques. À l’aube d’une journée où elles se sont rendues au tombeau pour embaumer le corps de Jésus, elles ont vu. Étonnées, voire stupéfaites et même désemparées, elles sont allées en témoigner en hâte. Et les hommes à leur tour ont couru pour voir ce que les femmes leur avaient décrit: du vide (Jn 20,1-10).

Entre le nouveau-né dans la mangeoire à Noël et le vide du tombeau à Pâques, la Lumière nous fait grandir en humanité, dans la responsabilité que nous avons les uns envers les autres et dans le respect mutuel, pour tous les temps, toutes les cultures et à tous les étages de la hiérarchie. Cela vaut pour tout engagement en Église. L’évolution de la cause de la femme dans l’institution passe par le dialogue et la reconnaissance de l’engagement, par le soutien et l’accompagnement, par la formation. Nous avons toutes et tous besoin de ressentir un état d’esprit qui stimule, qui met en confiance, quel que soit le niveau où l’on se trouve. En ce sens, les catéchistes occupent une place sensible. Elles sont continuellement sur le devant de la scène, appelées à de multiples tâches. Elles déploient leurs charismes pour répondre aux nombreuses sollicitations venant de toutes parts. C’est un réel défi.

Engagée et reconnue?

«Éveiller l’enthousiasme personnel de tout baptisé et raviver la conscience d’être appelé à accomplir sa mission dans la communauté exige d’écouter la voix de l’Esprit dont la présence féconde ne manque jamais», a déclaré le pape.[3] «Je suppose que si François a instauré le ministère de catéchiste, c’est qu’il trouve en nous un instrument important pour transmettre les fondamentaux de la foi», souligne Montserrat Estruch.

La lettre du pape a le mérite de mettre en valeur et en confiance les baptisés engagés dans cette mission. Cette reconnaissance est importante, mais sur le terrain, à l’échelle de nos petites communautés, «la reconnaissance vient des personnes que l’on côtoie», précise Rose Barské, une autre catéchiste. «Je suis passée de l’ombre à la lumière. Depuis que je suis catéchiste, les enfants qui me voient me saluent, de même les adultes.» Un sentiment confirmé par Christiane Antich: «Il y a un avant et un après. Je n’avais pas d’attente, mais j’ai constaté un changement.» Ces petits signes sont comme des gouttes d’eau qui font du bien.

Les catéchistes relèvent encore l’importance de l’aspect communautaire, avec le regret que c’est une pratique en perte de vitesse. Ainsi apprécient-elles l’accompagnement et le soutien des membres de l’équipe pastorale en place, tout comme les rencontres avec l’ensemble des catéchistes. Elles s’y sentent bien et trouvent de la générosité dans ces échanges d’expérience.

La foi est un art! Ce n’est pas seulement aller à l’église et prier, mais c’est rendre cet invisible visible dans notre quotidien. C’est cela que je souhaite transmettre aux autres et à mes enfants. J’espère qu’un jour, ils se retourneront sur leur vie et diront: «J’ai compris.» (Francine Sauser, catéchiste)

Je rêve pour ma part d’une Église où l’on vivrait dans la reconnaissance mutuelle de la diversité des charismes, des compétences et des dons, des formations, des ministères, des statuts (bénévoles ou salariés), des états de vie (célibataires ou mariés, hommes ou femmes, plus jeunes ou plus âgés). Une Église où chacune et chacun, dans le respect mutuel, trouverait sa place ajustée, comme un habit taillé dans un tissu où la jalousie et la compétition n’auraient pas de prise. Nous sommes, chacune et chacun, la goutte nécessaire à l’avancée du Royaume et c’est tout un chemin.

[1] Pape François, Antiquum Minesterium, «Lettre apostolique sous la forme Motu proprio établissant le ministère de catéchiste», Rome, 10 mai 2021, art. 6.
[2] Idem, art. 5.
[3] Idem.

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