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jeudi, 11 décembre 2014 01:00

Tortures de la CIA

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Le Sénat américain a rendu public mardi 9 décembre le rapport sur la torture pratiqué par la CIA dans les années 2000, après les attentats du 11 septembre. L'audit original de 6000 pages restera secret, mais sa version expurgée, longue de 500 pages et éprouvante, est à la disposition du public (disponible ici en anglais) malgré les pressions exercées par l'Agence, qui a tenté d'empêcher sa publication. Des extraits de ce rapport peuvent être lus ici en français.

Les questions d'ordres éthique, sécuritaire et de politique tant interne qu'internationale se bousculent. Les vagues produites par cette publication ne font que débuter, en raison notamment des autres pays impliqués en tant que « sous-traitants » des tortures infligées par la CIA. Des terroristes présumés ont été transférés en Pologne, et vraisemblablement en Thaïlande, Afghanistan, Roumanie et Lituanie, pour être « interrogés ».
L'ex-président polonais Aleksander Kwasniewski, au pouvoir entre 1995 et 2005, a reconnu mercredi 10 décembre l'existence d'une prison secrète de la CIA implantée sur le sol polonais. Mais, a-t-il ajouté, ses interlocuteurs américains lui avaient assuré que les détenus qui y seraient regroupés avaient accepté de coopérer. Lui-même ignorait tout de ce qui se passait à l'intérieur de ce site, opérationnel en 2002 et 2003.
Si les noms des pays « complices » sont passés sous silence dans le rapport expurgé, certains éléments ne laissent aucun doute. Ainsi, en ce qui concerne la Pologne justement, les noms des détenus cités et les dates de leur transfert coïncident avec un arrêt de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) sur le sujet, selon le rapport de la commission du Renseignement du Sénat américain. Pour faire la lumière sur cette histoire, le parquet polonais mène sa propre enquête depuis six ans.
Cet important travail de transparence est dû à l'obstination de la sénatrice démocrate Dianne Feinstein, présidente de la commission du Renseignement. Elle a déclaré au Sénat : « Les actes de la CIA, voilà 10 ans, sont une tache qui salit nos valeurs et notre histoire. La diffusion de ce rapport de 500 pages ne peut effacer cette tache, mais cela montre à notre peuple et au monde que les Etats-Unis sont assez matures pour reconnaître ce qui est mal, et sont assez confiants pour apprendre de leurs erreurs. »
Barack Obama, qui a soutenu la publication du rapport, avait fait de la fin des violations des droits de l'homme l'une de ses principales promesses de campagne en 2008. Il avait notamment annoncé la fermeture prochaine de Guantanamo (un vœu pieux). Pour Reed Brody, conseiller juridique de l'organisation Human Rights Watch : « Le président a traité la torture comme s'il s'agissait d'un choix politique regrettable, et non d'un crime. Il faudrait, avec ce rapport, que le gouvernement enquête et poursuive les hauts fonctionnaires de l'administration Bush qui en sont responsables. »

A lire ici l'article bien informé de Nicolas Margot sur « Les psychologues de Guantanamo et l'instrumentalisation de l'éthique de la santé », paru dans choisir en novembre 2013, qui dénonce les médecins et psychologues qui supervisent les tortures infligées dans le centre de détention.

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