bandeau art philo

Lettres

lundi, 21 décembre 2015 15:03

Il fut une fois...

Voici un ouvrage magistral[1]. Il ne faut pas craindre de louer un auteur qui le mérite. Il y a là un chef-d’œuvre de littérature comparée et de critique, c’est-à-dire d’explication et de jugement. Marc Fumaroli s’est donné un grand projet. Il a décrit tous les prodromes de la révolution humaniste.

Cette révolution s’est produite en deux temps. Au XVIe siècle, avec la Renaissance, et au début du XVIIe siècle, avec l’hôtel de Rambouillet et la naissance des salons. La teneur définitive, la teneur finale de l’humanisme classique, s’explique par ses origines, par sa filiation intellectuelle ainsi que par les conditions sociales qui l’ont fait éclore : une classe, l’aristocratie (ou la haute bourgeoisie), où des âmes libres de développer plus complètement leurs sentiments, parce qu’étant hors du métier des lettres, ont le loisir de penser davantage à leurs émotions et de cultiver l’art du bien dire et de la conversation. L’illustrent les mémoires, les maximes, les essais, les pensées et l’art épistolaire.

jeudi, 12 novembre 2015 14:28

Un bouquet d’Angleterre

William Hazlitt,
La solitude est sainte
Paris, La Table ronde, 2014, 128 p.

Thomas Love Peacock
Melincourt
Lausanne, L’Age d’Homme 2013, 290 p.

Ronald Firbank
La Princesse Zoubaroff; Théâtre et nouvelles
Lausanne, L’Age d’Homme 2014, 294 p.

L’excentricité est une denrée britannique qui n’est pas exportable et donc pas contagieuse. L’excentricité constitue pour un Anglais la solution vitale d’un problème crucial, d’une contradiction profonde. Par exemple, entre l’acceptation de la foi et l’exercice de la raison d’une part, et de l’autre entre une conscience poétique aiguë et les devoirs professionnels et moraux d’un pasteur voué au célibat quand la Providence vous a programmé pour ce rôle, comme ce fut le cas de Lewis Carroll.

« Je veux montrer comment Baudelaire est enchâssé rigoureusement dans le XIXe siècle », écrivait Walter Benjamin à Gershom Scholem. Il ne s’agit pas de décrypter dans les thèmes baudelairiens les bouleversements économiques et sociaux, mais, par un effet de miroir, d’éclairer les uns par les autres. » La naissance de la société industrielle de masse, l’avènement du prolétariat, l’expérience de la foule dans la grande ville, la marchandise, la perte d’auréole du poète, autant de situations à partir desquelles Baudelaire, le premier à avoir appréhendé la force productive de l’homme réifié, ici rapproché de Blanqui et de Nietzsche, invente, selon Benjamin, un héroïsme moderne.

jeudi, 20 août 2015 09:21

Sade et la Révolution

Sade, un athée en amour,

Que n’a-t-on pas écrit contre et en faveur de Sade, tour à tour haï comme le plus scélérat des philosophes, l’ennemi du genre humain et encensé comme le père et le prophète de la modernité, le Saint-Just de la littérature, l’émancipateur de l’humanité, le martyr de cette liberté libre de toutes entraves et accouchée aux forceps de la pensée révolutionnaire, dans les fleuves de sang versés au nom de la vertu par la Terreur républicaine.

Armé, Philippe Sollers, mais contre quoi ? Contre la bêtise et la technologie. Contre l’envahissement, la colique d’informations, le bavardage intempestif. Le téléphone portable a transformé le monde en une immense cabine téléphonique en plein air, en une vaste loge de concierge. Faut-il répondre à ce bavardage par d’autres mots, fussent-ils spirituels, cinglants ou frappés au coin du plus cartésien des bons sens ? Peine perdue. Vous ne serez pas entendu. Fuir à l’autre extrémité du monde ? Le monde n’a plus d’extrémités. Il est le même partout. Sa transparence est absolue.

Mme de Lafayette
OEuvres complètes
Paris, Gallimard
La Pléiade 2014, 1664 p.

L’œuvre de Madame de La Fayette est placée sous le signe de l’ordre, de la raison, de l’ordinaire et de la vraisemblance. C’est un théorème, une démonstration. Madame de La Fayette délaisse l’extraordinaire, le merveilleux, le chevaleresque, l’extravagant, bref tout ce qu’on appela communément pendant longtemps le romanesque, tout ce qui faisait battre le cœur des nobles intrigants et frondeurs, des précieux et des précieuses de la chambre bleue d’Athénaïs de Rambouillet.

jeudi, 22 janvier 2015 01:00

Es-tu encore magique ?

Jusqu'aux temps modernes, la montagne a terrifié les hommes comme le désert et la mer, car ils ne pouvaient ni la cultiver ni la domestiquer. Elle était libre. Elle échappait à la mainmise de l'homme. Aussi était-elle tenue pour sacrée. Dieu l'avait créée pour imprimer dans le cœur de sa créature un reflet de sa divine majesté. S'y aventurer, l'escalader était une profanation. Moïse seul était monté au sommet du mont Sinaï pour s'entretenir avec Dieu et recevoir de sa main ses commandements. Jésus choisit lui aussi une montagne pour y prêcher son fameux sermon, et le Golgotha est une colline.

Christian Bernard est né à Strasbourg en 1950. Concepteur et directeur du Musée d'art moderne et contemporain de Genève (Mamco), il est l'ancien di - recteur de la Villa Arson à Nice et critique d'art. Il poursuit depuis des années une intense activité de poète.

Page 8 sur 21