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lundi, 26 octobre 2020 11:55

Chine-Vatican: sagesse du provisoire

Eglise St-Antoine, Macau © Pascal Deloche/GODONGLe 22 octobre 2020, l’accord provisoire entre le Vatican et la Chine, signé il y a deux ans, a été prolongé jusqu’en 2022. Tout comme en 2018, le texte précis n'est toujours pas connu du public. Son caractère «provisoire» indique toutefois qu'il s’accompagne encore de prudence et de sagesse. Il vise à éviter de se lancer ces deux prochaines années dans un nouveau pas de danse, le Vatican ayant bien conscience du grand nombre de problèmes qui ont accompagné, des décennies durant, la rupture des relations entre les deux partis.

Il faut à nouveau rappeler que le prolongement de l’accord de 2018 s’inscrit dans une démarche déjà entreprise par les prédécesseurs du pape François, notamment Jean Paul II et Benoît XVI (lire à ce sujet: Chine-Vatican, un exigeant pas de danse). Je ne crois pas d'ailleurs que cela soit une coïncidence si sa signature a eu lieu le jour même où l'on célèbre la mémoire de Jean Paul II, canonisé par le pape François, avec Jean XXIII, le 27 avril 2014. Jean Paul II s’était beaucoup engagé à renouer le dialogue avec la Chine, dans l’esprit du jésuite Matteo Ricci. Benoît XVI, lui-aussi, avait profondément touché les cœurs des Chinois catholiques. En 2007, il leur avait adressé une lettre dans laquelle il exprimait son profond respect à l’égard de la culture chinoise, tout en rappelant la règle de jeu de l’Église universelle.

Un état d'esprit à soutenir

En dépit des risques et des «souffrances graves» pour nombre de catholiques, dont le Vatican a bien conscience, je pense qu’il faut soutenir cette mission de réconciliation à longue terme, dans un esprit d'ecclésiologie, pour surmonter les conflits et les ressentiments graves qui ont déchiré l’Église en Chine. Du point de vue ecclésial, il est évident que le pape, principe d’unité par excellence de l’Église, pourra être à nouveau en pleine communion avec tous les membres de l’Église en Chine. Cela demande, avant tout, de surmonter une méfiance mutuelle.

En proposant un dialogue exigeant avec la Chine, y compris avec ses traditions de sagesse comme le confucianiste, le daosim ou l'islam, l’Église catholique pourrait même jouer un rôle «avant-gardiste», dans un contexte globale où l’image de la Chine semble dominée par une méfiance qui étouffe un vrai dialogue. En effet, la sympathie envers la Chine diminue aujourd'hui, rapidement et globalement.

Une fermeté à adopter

Une grande question reste pour moi: cette ouverture de dialogue entre le Vatican et la Chine sera-t-elle une chance pour les institutions éducatives catholiques en Chine? À Hong Kong, Macao, Singapour et Taipei, on estime beaucoup la contribution des écoles et universités catholiques. Dans la mouvance de Matteo Ricci et de ses successeurs, on garde en mémoire l'énorme contribution en matière d’éducation et de sciences qui a fait partie du bagage des missionnaires. Ce faisant, les peu d’amis que la Chine conserve devraient eux-mêmes, il me semble, se montrer extrêmement fermes dans leur stratégie de traitement avec la Chine.

Le jésuite suisse Stephan Rothlin, directeur du Macau Ricci Institute, est un spécialiste de la Chine où il est établi et enseigne depuis 1998.

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