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lundi, 16 avril 2018 11:15

Urgences pastorales

Écrit par

UrgencepPastoralesChristoph Theobald
Urgences pastorales
Comprendre, partager, réformer
Paris, Bayard 2017, 538 p.

Le christianisme est en crise en Europe de l’Ouest. Nul ne peut le contester. «Urgences pastorales» est un maître livre pour -comme le  laisse entendre le sous-titre- comprendre et réformer l’Église, qui est à la fois porteuse et messagère de l’Évangile pour notre monde.

S’asseyant à poser un diagnostic du temps présent, Christoph Theobald prend la mesure de la laïcisation et de la sécularisation de nos sociétés confrontées, par ailleurs, à la résurgence du religieux (Islam et spiritualités orientales), au flux migratoire et à la crise écologique. Exculturé, folklorisé, décrédibilisé -puisque sa représentation de Dieu et du monde est perçue comme mythique-, le christianisme est aussi victime d’une fragmentation de nos existences, ainsi que d’un néodarwinisme inconscient puisque l’avenir de l’humain passe par son augmentation (transhumanisme), ce vieux mythe recyclé qui semble devenir la seule représentation de sens plausible pour nos contemporains.

Outre sa vision du monde devenue incompréhensible, le manque de crédibilité du christianisme atteint également son versant pratique. Son incapacité à rejoindre les préoccupations éthiques et quotidiennes de chacun en est la preuve -les propos du pape François tempérant cet avis. Ajuster et rendre crédible la vision et la pratique chrétienne du monde nécessite de revenir à la source de leur surgissement: la gratuité de Dieu et son hospitalité première et inconditionnelle manifestées dans le Christ. Proposer des espaces d’hospitalité gratuite peut permettre à nos contemporains qui vivent une foi élémentaire en la vie, de découvrir combien celle-ci est déjà l’expression de la grâce du Christ, et que la foi chrétienne ne fait qu’ouvrir et expliciter celui qui s’y reconnaît au monde de «l’intimité même de Dieu, le laissant entrer dans le mouvement gratuit de décentrement spirituel et d’autocommunication de Dieu en faveur de ses créatures». «Le chrétien du XXIe siècle sera mystique ou ne sera pas», rappelait déjà K. Rahner!

Pointant la nécessité de repenser concrètement les espaces chrétiens et la manière de les gérer -paroisses, ministères, charismes, communautés, etc.- l’auteur engage à passer d’une pastorale de reproduction à une pastorale de mission basée sur cette hospitalité humano-divine. Ceci est d’autant plus important que le nouvel humanisme appelé de ses vœux par le pape François est plus que jamais nécessaire à une époque marquée d’une crise anthropologique liée au cruel manque de confiance et d’espérance causé notamment par le délitement du lien social ainsi que par les défis inédits -numérisation, globalisation, technosciences, transhumanisme, etc- que l’humanité doit affronter. Or, mise à mal, cette confiance-espérance issue d’une interaction complexe entre les sphères personnelle, familiale, sociale, politique et économique, ne peut être que consolidée par l’intérêt gratuit et désintéressé des communautés évangéliques envers quiconque. D’où l’urgence pour l’Église de redevenir missionnaire au meilleur sens du terme.

Après avoir posé le diagnostic de la perte de crédibilité du christianisme et proposé une thérapie en hiérarchisant les priorités, tout en pointant la spécificité et la différence chrétienne pour construire un monde de confiance et d’espérance, l’auteur propose des remèdes pratiques pour concrétiser la réforme proposée. Il décrit ainsi une manière de procéder qui permet d’engendrer de nouvelles communautés chrétiennes, véritables sujets missionnaires, ajustées aux défis de notre monde.

À n’en pas douter un tel ouvrage donnera du grain à moudre à tous ceux pour qui importe l’avenir de l’humanité, du christianisme et de l’Église en Europe de l’Ouest! Avec l’intelligence, l’ampleur, la perspicacité, le réalisme et la finesse qui le caractérise, l’auteur offre, en se basant de manière créatrice sur Vatican II, une mine de réflexions et de pistes pour réformer l’Église et lui redonner sa crédibilité perdue.


Mais encore: à lire sur le site de La Croix : “Théologie sans œillères”

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