«Pour faire évoluer la place des femmes dans l’Église, tout n’est pas à attendre des papes; c’est aussi aux femmes de prendre en main leur destin», déclare Bénédicte Lutaud. Dans son livre Femmes de papes, la journaliste retrace le parcours hors norme de cinq femmes au Vatican. Chacune d'entre elles, à sa manière, -Wanda Poltawska, sœur spirituelle de Jean Paul II, Pascalina Lehnert, véritable mère de substitution pour Pie XII, Mère Tekla, «agente 007» au service de Jean Paul II, Hermine Speier, archéologue de renom aux Musées du Vatican et Lucetta Scaraffia, soixante-huitarde convertie au catholicisme- s'est créé de son propre chef un rôle au Vatican et a su imposer sa présence.
Bénédicte Lutaud, Femmes de papes, Paris, Cerf 2021, 394 p.
«La commission Bergier, mise en place officiellement pour faire la lumière sur le comportement de la Suisse pendant la Seconde Guerre mondiale, n’avait pas jugé utile d’établir à la fin du XXe siècle combien de Juifs avaient été refoulés et combien de ceux qui avaient été refoulés avaient péri à la suite de ce refoulement. Cette lacune était une faute», écrit Serge Klarsfeld dans sa préface. Le livre de l'historienne genevoise Ruth Fivaz «met fin aux polémiques sur le nombre de refoulés, qui ne dépasse certainement pas le nombre de 3000, dont moins d’un tiers ont péri à la suite des refoulements dont ils ont été victimes et que la Suisse aurait pu accueillir», dit encore le préfacier.
Ruth Fivaz-Silbermann, La fuite en Suisse. Les Juifs à la frontière franco-suisse durant les années de «La solution finale», Paris, Calmann Lévy/Mémorial de la Shoah 2020, 1448 p.
Poésie engagée, poésie philosophique et spirituelle, poésie politique… Pierre Santschi, ex-député au Grand Conseil vaudois -vert devenu hors parti-, a pris la difficile voie d’exprimer ce qu’il pense et ce qu’il croit en stances classiques, en alexandrins et autres métriques. Dans ces poèmes et pamphlets, il ne mâche pas ses mots pour fustiger les «élites» suisses, les partis, la corruption, etc. Il nous parle de justice, de «blablacratie», de chômage, de climat, de culture, d’économie, des limites de la croissance, de populisme, des pouvoirs… mais aussi de bonheur, d’enthousiasme, d’essentiel, de beauté, de création et d’univers… pour «rendre grâces à la Source de Vie».
Dans la deuxième partie du XXe siècle, soit il y a à peine quelques années, les sévices infligés en Occident aux mineurs placés dans des maisons de correction ou des centres d’accueil étaient encore courants. La révélation scandaleuse du jour -9000 enfants morts en Irlande entre 1922 et 1998 dans les maisons pour mères célibataires tenues à l’époque par des religieuses catholiques- fait froid dans le dos. Ce roman de Colson Whitehead aussi, car il s’inspire de l’histoire vraie d’un pensionnat disciplinaire pour mineurs de Floride, la Dozier School for Boys.
Le deuxième roman d’Oscar Lalo rend hommage à toute une génération d’oubliés de la Seconde Guerre: les enfants des Lebensborn. Par une écriture poétique et philosophique, l’auteur emmène le lecteur au cœur des «usines à bébés» de l’Allemagne nazie. On entre dans l’intimité de ces orphelins particuliers par le journal d'une septuagénaire à la recherche de ses origines: «Je devais être la gloire de l'humanité. J'en suis la lie.»
Oscar Lalo
La race des orphelins
Belfond, Collection Pointillés, Paris 2020, 279 p.
Ce petit livre a été écrit par un jeune théologien, journaliste et lauréat du Swiss Press Award 2019 pour son dossier multimédia consacré aux abus sexuels dans l’Église. Avec ces pages, nous traversons la fin du XIXe siècle et le début du XXe à la suite de Péguy, socialiste athée devenu écrivain chrétien, pour qui le génie réside dans le risque. Un risque qui lui a donné sa stature. Péguy naît près d'Orléans, dans un milieu modeste. Son père meurt alors qu'il n'a que quelques mois. Sa mère et sa grand-mère l'élèvent. Étudiant intelligent, il sera normalien, deviendra éditeur, puis écrivain, mais n'oubliera jamais son enfance paysanne. À l'école primaire, il enchante ses maîtres même s'il bavarde trop. À l'école secondaire, il découvre la tragédie grecque et en retire le respect du passé. Trois prix lui seront décernés.
Pierre Pistoletti
Charles Péguy. Le risque obstinément
Paris, Parole et Silence 2020, 72 p.
L'auteur est né en 1969 au Canada. Les origines de ses ancêtres sont afro-asiatiques. Ce qui ne l'a pas empêché d'épouser une femme de la bourgeoisie blanche canadienne. Depuis sa plus tendre enfance, il est traité de nègre. Sur les trottoirs, lorsqu'il croisait un groupe de garçons, il marchait sur ses gardes, sachant qu'on pouvait le bousculer, lui faire un croche-pied ou lui lancer des objets de toutes sortes, voire lui cracher dessus. David Chariandy a suivi de très bonnes études. Il est aujourd'hui professeur de littérature et écrivain. Dans ce livre, il écrit à sa fille chérie.
David Chariandy
Il est temps que je te dise. Lettre à ma fille sur le racisme
Traduit de l'anglais par Christine Raguet
Genève, Zoé 2020, 112 p.
Sainteté rime bien souvent avec canonisation. Dans sa dernière parution, la Commission de dialogue protestants/catholiques-romains de Suisse (CDPC) déconstruit cette compréhension univoque. Elle illustre son propos par la présentation de personnalités ne faisant pas partie des «saints» communément admis, mais pouvant légitimement constituer des «modèles authentiques pour la foi et pour l’Église».
Sven Büchmeier, Evelyne Graf, Marie-Louise Gubler,
Martin Ernst Hirzel, Pascale Rondez, Annemarie Schobinger
Heilig
Une publication, en allemand, de l’Église évangélique réformée de Suisse
et de la Conférence des évêques suisses, 2020, 65 p.
La lecture de l’œuvre de Maurice Bellet est déroutante. Autant par leur style que par leur contenu, ses écrits désarçonnent et fécondent. N’est-ce pas d’abord parce qu’écoutant l’inaudible, ils lui donnent voix(e)? N’est-ce pas aussi parce qu’ils reviennent -à la croisée de la psychanalyse, de la philosophie et de la théologie- à l’archaïque de l’humain tout en pointant l’Ordre primordial sans lequel tout n’est que perversion, violence et destruction? N’est-ce pas enfin parce que son œuvre -en deçà et au-delà de toute croyance- naît dans l’abrupt d’une Parole inaugurale d’Amour qui donne Vie?
Myriam Tonus
Ouvrir l’espace du christianisme
Introduction à l’œuvre pionnière de Maurice Bellet
Paris, Albin Michel 2019, 246 pages.
Ce livre de Nicolas Gex retrace l’histoire d’une institution protestante non sans posture politique marquée. Le bâtiment, situé sur la commune de Puidoux, et la Fondation éponyme sont intimement liés au protestantisme vaudois ou, du moins, à l’une de ses tendances. Dans une langue simple mais élégante, d’une manière originale qui en rend la lecture attrayante, et avec beaucoup d’empathie, Nicolas Gex propose l’histoire de Crêt-Bérard, en «septante regards». On sera sensible aussi à l’intérêt et à la qualité des nombreuses illustrations qui enrichissent l’ouvrage. (CC: cet article est paru dans Domaine public n°2310, 15 décembre 2020).
Nicolas Gex, Crêt-Bérard. L’aventure d’une maison inspirée, Bière, Cabédita 2020, 166 p.
«Qui suis-je? Quel est mon désir? De quoi ai-je peur? Ces trois questions sous-tendent notre participation au système croissanciste, productiviste et consumériste (CPC) qui ravage la Terre.» Ceci résume tout le livre de Michel Maxime Egger, qu’il a présenté en visioconférence le 6 octobre dernier, dans le cadre des conférences proposées par «un auteur, un livre», à laquelle participaient une vingtaine de personnes.
Michel Maxime Egger, Se libérer du consumérisme. Un enjeu majeur pour l’humanité et la Terre, Genève, Jouvence 2020, 158 p.
Donald Trump est arrivé au pouvoir aux États-Unis, grâce, entre autres, à un soutien massif des évangéliques. Il en est de même pour Jair Bolsonaro au Brésil. Régulièrement accusés de dérives sectaires, voire d’obscurantisme, l’amalgame avec les évangéliques européens n’est pas loin. Coup de projecteur sur ces évangéliques méconnus dans La déferlante.
Samuel Peterschmitt, Kévin Boucaud-Victoire
La déferlante. Cette crise qui a révélé les évangéliques
Paris, 2020 Éditions Première Partie, 256 p.