«Un peu de science éloigne de Dieu, mais beaucoup y ramène.» Cette citation de Louis Pasteur est souvent évoquée pour défendre l’idée que le progrès des connaissances scientifiques amènerait inéluctablement un retour vers la religion. Elle prend le contrepied de l’idée, tout aussi répandue, que le savoir scientifique écarterait nécessairement toute référence à quelque transcendance. Les choses sont évidemment plus complexes.
Agrégé de physique, François Euvé enseigne à la Faculté de théologie du Centre Sèvres, dont il a été doyen de 2005 à 2012. Il a écrit ou co-écrit nombre d’ouvrages relatifs aux rapports entre les religions et les sciences, comme La science, l’épreuve de Dieu? (Salvator, 2022) et Dialogue sur l’histoire, la religion et les sciences (CNRS éditions, 2019).
Y a-t-il une seule chose dont nous soyons absolument certains, à part la mort et les impôts, comme disait Benjamin Franklin?[1] La réalité extérieure est soumise aux changements, mais qu’en est-il de notre monde intérieur, de nos savoirs et certitudes? Sont-ils stables? véritables? Y a-t-il un moment où il faut arrêter de remettre en question sa pensée?
Stève Bobillier (philosophe et éthicien) est membre de la Commission de bioéthique de la Conférence des évêques suisses. Historien des idées, spécialiste de philosophie médiévale, il est l’auteur de L’éthique de la personne. Liberté autonomie et conscience dans la pensée de Pierre Jean Olivi (Vrin 2020).
Dans le langage courant, le doute contredit la croyance, elle en serait la négation. Inversement la croyance surmonterait le doute, pour le terrasser. En fait, doute et croyance ne sont que deux aspects d’un même état d’esprit qui se méfie des certitudes et des attitudes suffisantes et qui se soutiennent mutuellement. La croyance apaise l’irritation causée par le doute et permet d’agir. Le doute ajoute le discernement à la croyance.
Étienne Perrot sj (éthicien et économiste) est l’auteur de plusieurs livres sur la dimension sociale de l’argent et le discernement managérial, dont Refus du risque et catastrophes financières (Salvator 2011). Dernier en date, Esprit du capitalisme, es-tu là? Discerner l’humain derrière les chiffres (Lessius 2020). Il tient une chronique sur jesuites.ch
Il fut un temps, assez long à l’échelle humaine, où le «je», si important pour nos contemporains, n’existait pas. Mais sait-on seulement ce qu’il signifie? Personne, individu, sujet, autant de termes qui semblent se confondre. Cette difficulté à saisir la notion de personne et ses déclinaisons ne date pas d’aujourd’hui.
Stève Bobillier est collaborateur scientifique à la Commission de bioéthique de la Conférence des évêques suisses. Historien des idées, spécialiste de philosophie médiévale, il est l’auteur de L’éthique de la personne. Liberté autonomie et conscience dans la pensée de Pierre Jean Olivi (Vrin 2020).
Lorsque je vis apparaître, dans un jardin installé dans le creux d’un vallon de Corse, Ève tenant dans sa main gauche une petite cruche et dans sa main droite un ordinateur portable, j’ai tout de suite pensé à une scène biblique ou à une peinture flamande du XVIIe siècle. Elle était habillée très simplement, un peu à la façon d’une paysanne. Son sourire irradiait d’une joie simple et profonde. Elle s’est présentée: «Je m’appelle Ève».
L’apocalypse, on ne l’imaginait pas comme ça. Ni hordes de zombies ni peste foudroyante ni révolution et effondrement de la civilisation ni chaos et avènement d’un état de guerre permanent... À la place, la sournoise Covid 19, accompagnée d’un nouveau bouquet de règles (éloigne-toi, désinfecte-toi, porte ton masque !) et de la réalité familière des inégalités toujours plus exacerbées. La science-fiction, avec son ballet d’utopies et de dystopies, nous aurait-elle trompés ?
La mort n'est pas un sujet sur lequel on aime à s'appesantir dans nos sociétés sécularisées. Mais depuis le début de la pandémie, elle est devenue omniprésente. Dans cet article publié dans notre édition d'octobre consacrée au coronavirus, exceptionnellement ouvert à tous du fait des besoins actuels de réflexions transcendantales, le jésuite Luc Ruedin sj questionne notre quête de sens en faisant re-résonner un texte célèbre de Nietzsche.
L’argent fait-il le bonheur? Non, bien sûr! C’est bien connu. Un doute cependant surnage. Outre la sécurité, le confort, voire les plaisirs éphémères qu’il permet d’acquérir, n’offre-t-il pas la liberté et la reconnaissance sociale dont chacun a fondamentalement besoin pour se sentir heureux?
Étienne Perrot sj, économiste, est professeur invité à l’Université de Fribourg. Il est l’auteur de plusieurs livres sur l’argent et le discernement managérial, dont Refus du risque et catastrophes financières (Paris, Salvator 2011, 296 p.).
En plus d’avoir un «cerveau», une machine peut-elle avoir une conscience? La question renvoie à l’éternel et inextricable problème du rapport entre l’esprit et le cerveau, et à l’autre problème, tout aussi complexe, du rapport entre le corps et l’esprit. L’étude du langage et l’expérience du dilemme éthique éclairent le débat.
Giovanni Cucci sj, Rome, professeur de philosophie et de psychologie à l’Université grégorienne de Rome. Adaptation et traduction d’un article paru le 4 janvier 2020 dans la Civiltà Cattolica.
L’intelligence des autres est parfois stupéfiante. Quand elle nous surprend par sa clairvoyance dans une situation compliquée, quand elle suggère avec élégance des solutions à des problèmes qui nous découragent. La nature humaine accueille aussi l’exceptionnel, le génie, et l’autre qu’on admire demeure un alter ego. Qu’en est-il par contre de cette intelligence dite artificielle?
Jean-Michel Besnier, Paris, philosophe et politologue, professeur émérite à la Sorbonne, spécialisé dans la philosophie et l’éthique des technologies. Jean-Michel Besnier fait partie de divers comités d’éthique et conseils scientifiques. Parmi ses ouvrages, on peut citer L’Homme simplifié: le syndrome de la touche étoile (Paris, Fayard 2012, 208 p.).
La désobéissance civile/civique mérite un exercice de réflexion à la lumière de la violence, de la civilité et de la démocratie dans l’espace planétaire. Suivre aujourd’hui des Socrate dans leur démarche de torpille philosophique exige des déplacements radicaux de l’imagination, du langage oral-écrit, des pratiques, théories et habitudes coloniales et impériales de la vieille Europe.
Marie-Claire Caloz-Tschopp, Genève, philosophe et politologue. Ses recherches portent sur la théorie politique et la philosophie en matière de citoyenneté, d'exil, de guerre, etc. Elle est l’auteure notamment de Les sans-État dans la philosophie d’Hannah Arendt (Lausanne, Payot, 2000) et a reçu le Prix du Mouvement pour une Suisse ouverte démocratique et solidaire en 1996.
«Entre terre et ciel, mon cœur balance, je ne sais pas lequel des deux prendre…» [adaptation libre d’une comptine enfantine]. Et pourquoi pas les deux, par un subtil jeu d’équilibre que connaissent bien des parents chargés de mener leurs enfants sur le chemin de la connaissance? Un exercice qui passe par la consolidation des fondations et leur remise en cause.
Amanda Spierings, Genève, philosophe, rédactrice