«L’homme est né de la mer, mais il en a perdu la mémoire… Nous avons passé plus de temps dans l’eau que sur la terre.» L’auteur, directeur de recherches du Centre d’études stratégiques de la Marine (CESM), revisite notre conception de l’histoire, pour «réunir nos deux hémisphères, terrien et merrien». C’est à une grande aventure qu’il nous entraîne, aussi bien géographique qu’historique, une aventure passionnante à travers des textes, des cartes et de magnifiques photos.
Cyrille P. Coutansais
Les hommes et la mer
Paris, CNRS Éditions 2017, 274 p.
C’est le 7 novembre 1881 à Darjeeling, dans le nord de l’Inde, que Chandra Das, déguisé en simple moine sikkimais, accompagné d’Ugyen Gyatso se mettent en route avec Phutchung, des serviteurs et des porteurs, pour le Tibet; leur but était de rejoindre Lhassa, via le monastère de Tashilumpo près de Shigatse. Le Tibet d’alors, passé de l’État protégé à celui d’État dépendant de la Chine, est peu ouvert aux étrangers. Les autorités britanniques entendent utiliser leurs compétences en matière d’arpentage, pour rapporter des informations. Le 13e Dalaï Lama est intronisé à cette époque.
Sarat Chandra Das
Voyage à Lhassa et au Tibet central
Traduit de l’anglais par Florence et Hélène Béquignon
Genève, Olizane 2018, 334 p
Née à Saint-Prex et décédée à Prilly le 13 novembre 1965, Catherine Colomb avait perdu sa mère à l'âge de cinq ans. (Cette "enfance blessée" selon Gustave Roud). Après des études classiques à Lausanne et une licence ès lettres, elle effectue des stages en Allemagne, en Angleterre et à Paris. Puis, c'est son mariage et la naissance de ses deux fils en 1923 et 1929. Elle écrit à la dérobée, lorsque ses enfants sont à l'école, et elle publie un premier roman, intitulé Pile ou Face en 1934, mais son œuvre débute véritablement avec Châteaux en enfance (1945), Les Esprits de la terre (1953), puis Le Temps des anges (1962).
Catherine Colomb
Une avant-garde inaperçue
Genève, Éditions scientifiques MetisPresses 2017, 176 p.
Ferdowsî (v.934-1020), Khayyâm (v.1048-1122), Rûmi (1207-1273), Sa’dî (1231-1292), Hâfez (1325-1389)… ces poètes sont ancrés dans la mémoire collective iranienne jusqu’à faire de leur tombe un lieu de pèlerinage. L’auteur, philosophe et romancier iranien, parle «d’adoration collective […] Se perdre dans l’instant fugitif d’un quatrain de Khayyâm, butiner une sentence de sagesse chez le "maître de la parole" qu’est Sa’dî, s’extasier au rythme torrentiel des transports d’un Mowlânâ (Rûmi), s’identifier à la geste héroïque d’un "pahlevân" -chevalier- dans le Livre des Rois (Ferdowsî) sont autant de voyages que le Persan a la possibilité d’effectuer selon ses disponibilités du moment.»
Daryush Shayegan
L’âme poétique persane
Paris, Albin Michel 2017, 216 p.
«La douceur du seringat est grisante: il y a dans ce parfum quelque chose qui remonte à des temps russes immémoriaux, et, pour moi, c’est aussi une résurgence du Mont Athos.» L’auteur, né en Russie (1881) et mort à Paris (1872) où il a émigré, évoque les deux pèlerinages qu’il a effectués aux sources du monachisme russe, le premier au Mont Athos (1927) et le deuxième dans l’archipel de Valaam, alors en Finlande (1935).
Boris Zaïtsev
Le Mont Athos et Valaam
Pèlerinage d’un écrivain russe
Genève, Editions des Syrtes 2017, 228 p.
C'est un hymne à la vie qui illumine un des derniers recueils de poèmes de Bernard Dutoit, et c'est d'autant plus émouvant que ce poète est décédé le 4 janvier dernier, à l'âge de 85 ans.
Avec lui, nous traversons la nuit féconde d'un espoir qui ne déçoit pas tant elle est éclairée par l'étoile filante et «la lune qui visite la terre». Et «si elle devient plus noire s'opère une mystérieuse purification car il n'y a rien à voir».
Mais à chaque aurore, nous dit Bernard Dutoit, il nous faut tout miser sur la vie afin d'arriver sain et sauf au port. Garder le regard vif et acéré pour, en toute saison, s'émerveiller devant les couleurs de la nature qui s'entrechoquent. Même lorsque «l'hiver étend la nappe blanche pour le festin du silence».
Fatigué depuis bien longtemps déjà des poncifs de la théorie, de la philosophie et de la politique, Sylvoisal croit bien plus à la coïncidence de la bête et du saint. Et à celle de la vie et de la poésie. La poésie, c’est la jeunesse et le chant, c’est la voix et le corps; c’est la voix qui fait corps avec les vers; c’est le cœur meurtri, déchiré, souffrant. Alors que la philosophie donne «la voie du Progrès et de l’Histoire». Dans sa très belle préface de Poèmes à moi-même, Sylvoisal oppose la poésie à la philosophie; l’un est un enchantement et l’autre un simple jouet pour l’adulte.Avant de proposer une série de poèmes classiques, thématiquement liés autour de l’amour et de la mort. Ce sont les pensées d’un homme veuf qui, comme Bernanos, éprouve le désir vif de «voir», de «se voir» et de «se voir mourir», c’est-à-dire le désir de mourir pleinement lucide; de voir le secret de l’au-delà, de le contempler avec les yeux vivants, d’avoir ainsi la vision de sa mort.
Sous la direction du théologien Andreas Dettwiler, professeur ordinaire de Nouveau Testament à la Faculté de théologie de l’Université de Genève, les différents auteurs de ces études, des théologiens catholiques et protestants, font le point sur les recherches à propos du Jésus historique et cherchent à cerner le personnage. L’ouvrage est une suite d’articles, tous plus passionnants les uns que les autres, qui posent des questions précises.
Andreas Dettwiler (éd.)
Jésus de Nazareth. Études contemporaines
Coll. Le monde de la Bible, 72, Genève, Labor et Fides 2017, 304 p.
Même si parler d’un livre de poésie est une gageure, je vais essayer de le faire sans «intellectualiser» mais en me laissant porter par mon ressenti.
Auteur de nombreux recueils de poésie et de trois romans, Jean-Daniel Robert arrive encore à nous émouvoir. Il sait tisser ensemble silence et parole, solitude et amour, terre et chair, joie et tristesse pour aller «jusqu’au bout des mots […] jusqu’au bout des morts». Il nous fait voyager au fil des quatre saisons, dans l’espace et dans les sensations entre «lichens et tendresse / Humus et chair». Passeur de joie, «sourcier du soleil, il marie le feu et le gel pour se dessaisir des peurs / pour laisser place au vent. Il cultive les jachères des mots / où se mêlent bruyères et champs noirs… les labours de la parole/ où s’allient aube et crépuscule». Merci à ce poète qui nous fait découvrir l’enluminure du chemin, que les photos d’écorces et d’arbres d’Adriana Passini illustrent avec beauté et justesse.
Jean-Daniel Robert
Journal en poésie
Genève, Encre Fraîche 2018, 158 p.
Semblable aux Lettres persanes de Montesquieu, ce conte, paru en 1923, relate les tribulations d’un potentat oriental d’un pays imaginaire entre la Perse et l’Inde. Assoiffé de richesses, il vient à Paris pensant y trouver tout l’argent recherché.
L’auteur, qui se cache sous le pseudonyme de Karagueuz Effendi (que l’on pourrait traduire par «Maître Guignol»), n’est autre que Jacques de Morgan (1857-1924), explorateur égyptologue et iranologue. Il nous offre une farce ou parodie des mœurs des institutions de son époque, aussi bien françaises qu’orientales. On pourrait tout aussi bien transposer ce conte dans l’actualité présente, avec des mœurs plus subtiles mais ô combien réelles.
Quelques heures de lecture pour se détendre entre deux lectures plus sérieuses!
Karagueuz Effendi
Le Chah du Mahboulistan
Histoire orientale
Genève, Olizane 2017, 241 p.
Le problème du mal «met à mal» notre vision de Dieu! La souffrance est-elle la réalité ultime de l’humanité? Dans quelle «caverne» (Platon) sommes-nous enfermés? se demande l'auteur. «L’existence de Dieu ne saurait être considérée comme acquise, même pour un croyant. Elle ne va pas de soi.»
Hervé Clerc
Dieu par la face nord
Paris, Albin Michel 2016, 320 p.
Quand l’Islam s’éveillera-t-il? Cela risque d’être long, si l’on suit Mohammed Arkoun. Il le sait d’expérience. Né dans un village kabyle d’Algérie marqué par l’influence d’un islam particulier, celui des Marabouts, il connaît depuis l’enfance la complexité culturelle du monde arabo-musulman. Il a ensuite entamé de longues études qui l’ont amené à occuper la chaire de professeur d’histoire de la pensée islamique à Paris et à enseigner aux États-Unis. Mohammed Arkoun s’est particulièrement intéressé au Moyen Âge musulman, époque de controverses entre les nombreuses écoles théologiques des grands courants shiite et sunnite.
Mohammed Arkoun
Quand l’Islam s’éveillera
Paris, Albin Michel 2018, 254 p.