Ce «guérisseur de la pauvreté», cet «éveilleur de souffle» a été, dans sa folie, un «magicien des ténèbres» qui a sauvagement et cruellement combattu, dans une foi défigurée par l’idéologie, ceux qu’il considérait comme des mécréants au nom d’une vision de Dieu pervertie (pouvoir et vengeance). Il ira purger sa violence dans le désert et montera au plus haut de l’Horeb, sur la «montagne du retournement», dans la rencontre avec le souffle ténu. Un intégriste qui se convertit et qui a le rang de prophète!
Dieu «ne va pas chercher ces accoucheurs d’avenir parmi les têtes de classe… Il les prend comme ils sont, là où ils sont, au cœur de la vie ordinaire.» Le prophète est celui qui «tente de débusquer ce qui se cache sous les apparences… il dénonce l’insupportable […] Quand il est minuit dans le monde, il contemple déjà le lever du soleil […] ni héros ni dévot», il est comme «le berger de l’humaine transhumance» comme le dit Gérard Bessière. Elie est présent dans tout le Nouveau Testament, dans le Coran, dans le Talmud. Ce grand converti de la réconciliation est aussi présent dans nos vies. «Trois mille ans après sa déclaration pyromane, son feu reste d’une jeunesse insolente et son audace spirituelle d’une modernité rare.»
C’est en poète que Gabriel Ringlet nous parle aussi de l’ange -«ange boulanger» comme il l’appelle- qui encourage Elie, du fond de son désespoir dans le désert, à continuer sa route. «L’ange n’appelle pas à croire ou à ne pas croire, mais à avoir faim.»
Dans la dernière partie du livre, Gabriel Ringlet s’adresse à son filleul qui porte le nom d’Elie. Un enfant qui, du haut de ses deux ans, l’a aidé à traverser les temps bouleversés par la pandémie -une leçon d’émerveillement! Ainsi il fait un pont entre les âges pour que chacun accueille cet enfant qui nous habite en laissant résonner «ce son subtil qu’on entend à peine».