Le viol est le paroxysme de la violence dans tout foyer «pillé, détruit, brûlé; torture et mutilation». Ces poèmes sculptés par une âme «plongée dans la mort de l’univers» sortent du silence telle «une ballade des vingt mille douleurs/dans le long concert de la mort».
Sa blessure ne guérira jamais. «Comment survivre au mal le plus terrible, où la lumière se perd dans «les errances de la vie»? «Après la liberté, que faire de la vérité? […] Faut-il tout pardonner/jamais rien oublier?» Devenu ombre de lui-même, «un mort vivant», il sera toujours «un misérable pèlerin/qui voyage en traînant ses os séchés/sur les chemins des grandes douleurs inachevées». Il ne lui sera plus possible de «rapiécer [sa] conscience troublée».
J’avais découvert, pendant la guerre en ex-Yougoslavie, la tragédie de ces viols de guerre, grâce à l’ACAT. Ces poèmes, avec leur puissance d’évocation, devraient hanter nos nuits étoilées, pour ne pas occulter ces gouffres d’horreur, ceux des femmes violées et ceux des enfants nés de ces actes brutaux. Ils ont le mérite de ne pas taire cette réalité. «Un chant grave module une expérience personnelle, mais d’une vaste portée», écrit Bertil Galland dans sa préface. Une poésie qui ouvre les cœurs à l’universel de l’indicible.
Shemsi Makolli, Déesses profanées, préface de Bertil Galland, Vevey, de l’Aire 2022, 64 p.