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L e s j é s u i t e s e n S u i s s e
loppent massivement leurs activités au
détriment de la paix religieuse. Ces
craintes étaient-elles justifiées ? On
peut clairement répondre négativement.
Quid de la paix religieuse
Le nombre de jésuites travaillant en
Suisse a diminué de moitié depuis 1973
et durant toutes ces années, ils n'ont fait
l'objet d'aucune plainte. Au contraire, ils
ont fait preuve de l'indispensable tolé-
rance à une coexistence pacifique. Les
maisons d'accueil et de formation
Lassalle-Haus, à Bad Schönbrunn, et
Notre-Dame de la Route, à Villars-sur-
Glâne, les aumôneries d'étudiants à
Zurich, Bâle et Lucerne, et les deux
revues jésuites d'alors (Orientierung et
Choisir) sont toutes connues pour leur
engagement oecuménique. Le jour du
vote a donc signé, en Suisse, la fin du
dé bat sur les jésuites.
La réponse à la seconde question est
plus difficile : par rapport à 1973, la
compréhension mutuelle entre protes-
tants et catholiques a-t-elle progressé ?
Au cours des débats précédant la vo -
tation, les adversaires de la réforme de
la Constitution discutèrent à peine des
questions de droit constitutionnel,
pour s'intéresser de préférence à ce
qu'ils appelaient « l'aspect politique »
de la révision. Ils déplacèrent ainsi -
avec succès, comme il s'est avéré - le
débat au niveau confessionnel.
C'est ainsi qu'on en est venu à toute
une série d'attaques, purement émo-
tionnelles et arbitraires, non seulement
contre les jésuites mais surtout contre
l'Eglise catholique. Chacun tirait contre
tout ce qui ne lui revenait pas : le pape,
le nonce, les écoles confessionnelles,
l'ultramontanisme, la restauration ca-
tholique, etc., au point qu'il était de -
venu impossible de faire le tri entre de
vulgaires malentendus et des menson-
ges à visée démagogique. Il fallait met-
tre en garde les braves Suisses contre
le complot du pape.
Et aujourd'hui ? De tels affrontements
qui rappellent les luttes de l'époque de
la Réforme sont-ils encore possibles ?
Ou y a-t-il plus de confiance mutuelle
entre les confessions ? J'ose répondre
à cette dernière question par un oui
clair. Depuis le concile Vatican II, les
relations oecuméniques entre les con -
fessions ont beaucoup progressé,
même si cela n'est pas encore suffi-
sant. Un plus grand mélange confes-
sionnel de la population a élargi la base
pour une confiance mutuelle. Le nom-
bre croissant des adeptes des religions
non chrétiennes a fortement déplacé le
débat. Les progrès actuels de la sécu-
larisation ont relégué à l'arrière-plan
les vieilles querelles confessionnelles.
L'abrogation sans histoire de la consti-
tution de l'article sur les évêchés, il y a
quelques années, en est un signe.
Dans ce paysage, seule reste la ques-
tion de l'interdiction de l'abattage rituel
qui concerne de nombreux juifs et
musulmans. Il est vrai qu'elle ne figure
plus dans la Constitution et qu'elle a
été rétrogradée dans la « seule » Loi
sur la protection des animaux. Du
moment que deux principes juridiques
entrent en conflit - la liberté religieuse
et la protection des animaux -, il n'est
pas facile de trouver une solution.
Peut-être que le dialogue interreligieux
permettra de progresser.
Enfin, on n'oubliera pas de remarquer
que 40 ans après la votation populaire
de 1973, pour la première fois, un jésuite
est à la tête de l'Eglise catholique. Si
je suis bien informé, on n'a enregistré
depuis lors aucune réaction antijésuite.
J. Br.
(traduction : Pierre Emonet)
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juin 2013