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M a x E r n s t , H u b e r t L o o s e r
Si Max Ernst a le goût du « hasard
objectif », il ne renonce pas pour autant
à la réalité. Il conçoit, à partir de ces for-
mes, des paysages irréels, hantés de
figures hybrides qu'il nomme « fleurs »,
comme dans Femme, vieillard et fleur
(1924) exposé à la Fondation Beyeler.
L'artiste n'a jamais cherché à séduire,
osant des images irritantes jusqu'au
malaise. « La peinture produit de
l'agressivité et de la ferveur », disait-il.
L'Ange du foyer, peint au lendemain de
la défaite des Républicains en Espa -
gne, deviendra l'icône prémonitoire des
démons d'une Europe déchirée entre
lutte fratricide, génocide des juifs et fu -
tu re guerre mondiale.
Si certaines de ses oeuvres ont livré ré -
trospectivement leur sens, il n'y a
cependant jamais une seule vérité. Tout
reste ouvert, c'est du reste ce qui en
fait la poésie.
La collection Looser
Le Kunsthaus de Zurich présente la
collection de l'homme d'affaires suisse
Hubert Looser. Cet ensemble excep-
tionnel illustre, outre Picasso, Gia -
cometti ou l'arte povera, la scène amé-
ricaine à partir des années 1950. La
col lection, qui intégrera en 2017 l'ex-
tension du Kunsthaus conçue par l'ar-
chitecte David Chipperfield, constitue
un ensemble unique en raison de la
place accordée aux artistes américains,
jusqu'alors peu représentés dans les
musées non seulement en Suisse, mais
aussi en Europe.
Les collectionneurs sont parfois des
visionnaires. Les musées le savent,
pour en être souvent les bénéficiaires
quand ces collectionneurs inspirés
s'avi sent d'être de surcroît généreux. A
l'heure où les institutions européennes
ignoraient la création outre-Atlantique,
certains perçurent l'importance que
revêtiraient les Etats-Unis dans l'his-
toire de l'art contemporain. Bien avant
l'envolée inflationniste que connaît de -
puis quelques décennies le marché de
l'art, Hubert Looser sut obtenir les figu-
res de proue de la scène américaine.
« Ces artistes étaient encore abor da -
bles, j'ai ainsi pu acquérir neuf oeuvres
de Willem de Kooning, à savoir l'en-
semble le plus important consacré à
l'artiste en Europe. »
Au-delà des opportunités du marché, le
tropisme d'Hubert Looser s'explique
par sa double culture. Né en 1938 à
Vilters, dans le canton de Saint-Gall,
Hubert Looser a multiplié les allers et
retours entre l'Europe et les Etats-Unis,
où il a poursuivi ses études. Ce con -
texte particulier ne l'a pas dispensé
d'un effort intellectuel, afin de mieux
connaître un pan important de la créa-
tion. Hubert Looser distingue d'ailleurs
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choisir
juin 2013
« L'Ange du foyer
(Le Triomphe du
surréalisme) » (1937)