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M a x E r n s t , H u b e r t L o o s e r
le simple amateur d'art du collection-
neur qui « se pose une infinité de ques-
tions ». Sans ses connaissances, Hu -
bert Looser n'aurait pas constitué un
ensemble aussi cohérent.
Après des débuts tournés vers les
artistes suisses, il s'impose très tôt une
ligne, celle de ses contemporains, des
deux côtés de l'Atlantique. Les Amé -
ricains représentent la part du lion,
avec des figures de la stature de Do -
nald Judd, Arshile Gorky, Agnès Martin,
Robert Ryman, Ellsworth Kelly et
Richard Serra. Picasso, Anselm Kiefer
et enfin Lucio Fontana et Guiseppe
Penone, rattachés à l'arte povera, illus-
trent le versant européen de sa collec-
tion.
Deux vies parallèles
Hubert Looser a bâti sa collection avec
la même ambition de l'excellence que
ses deux entreprises familiales de
chauffage et de bureautique qu'il a in -
troduites en bourse. Sa collection té -
moigne de la rigueur qu'a façonnée en
lui l'homme d'affaires. Il a néanmoins
toujours considéré l'art comme le « con -
tre-pied » de sa vie professionnelle,
« an crée dans la réalité qui im pose une
discipline et une organisation de tous
les instants ».
Jusqu'à la vente récente de ses entre-
prises, Hubert Looser a oscillé entre
ces deux univers. « Aux antipodes de
ce cadre structuré, l'art était à mes
yeux l'informel, la poésie et la musica-
lité que suggèrent, par exemple, les
peintures de Cy Twombly. La constitu-
tion de ma collection a composé pen-
dant près de 25 ans une vie parallèle,
dans laquelle j'ai puisé un équilibre et
une intuition qui m'ont accompagné
ma vie durant. »
Au-delà des critères objectifs d'excel-
lence qui ont guidé ses choix, affleure
une sensibilité voire un enthousiasme
militant, notamment pour Fabienne Ver -
dier, cette artiste française à laquelle la
culture chinoise a inspiré de grandioses
calligraphies abstraites.
Le collectionneur se livre aussi à un
accrochage véritablement personnel
dans sa villa zurichoise convertie en
fondation. La lumière généreuse exal-
tée par l'immaculée blancheur des
murs y règne en maître. Ici tout est
pensé pour faire vibrer des oeuvres
rares qui s'enrichissent de la proximité,
comme l'illustre magnifiquement le
face-à-face d'Annette assise de Gia -
cometti et de Sylvette de Picasso.
Ici disparaissent les « ismes » de l'his-
toire de l'art, la chronologie et surtout
les critères d'évaluation. Le regard du
collectionneur est toujours égalitaire :
ses oeuvres, Hubert Looser les a toutes
désirées et admirées, avant de les pos-
séder ; il les aime toutes, un peu comme
on aimerait ses enfants.
Nourri de l'exemple d'une philanthropie
à l'américaine à laquelle nombre de
musées outre-Atlantique doivent leur
enrichissement, Hubert Looser consi-
dère que l'issue de sa collection est
l'ins titution, en l'occurrence le Kunst -
haus de Zurich. Il se réjouit de vivre une
« troisième existence » à la faveur de sa
collaboration avec les musées. « Je n'ai
plus à arpenter les foires, à acheter des
oeuvres surévaluées et à alimenter un
marché qui ne vibre plus pour l'art mais
pour l'argent. Je préfère me situer dans
la sphère des musées et du public qui
contribue à leur existence. »
G. N.
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juin 2013
choisir
La collection Looser,
du 7 juin au 8
septembre 2013,
Kunsthaus de Zurich
www.kunsthaus.ch /
www.fondation-
hubert.looser.ch