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C h ô m e u r s , e t p u i s ?
Ségrégations arbitraires
Genève continue à fournir des chiffres
inquiétants. L'année de la révision LACI
(2011), 5330 personnes ont été éjec-
tées de l'ORP sans emploi. Elles étaient
3518 en 2012. Et de janvier à avril 2013,
on en dénombre déjà 694. Quant à leur
prise en charge en fin de droit, les
moyens déployés par le canton susci-
tent la controverse.
En février dernier, la loi sur l'insertion et
l'aide sociale individuelle (LIASI) - en
vigueur depuis un an - avait poussé
Sol i daritéS à tirer la sonnette d'alarme.
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Constitués en Collectif du suivi LIASI,
les membres de l'ancien comité réfé-
rendaire reprochent aux institutions en
charge de l'application des dispositifs
de ne pas tenir leurs promesses et de
manipuler les statistiques. Parmi les
griefs, le stage d'évaluation obligatoire
des indemnisés est particulièrement
remis en question.
En théorie, chaque nouveau dossier de
fin de droit de chômage atterrit à l'an-
tenne transitoire de l'Hospice général,
accolée à l'ORP du canton. Si le de -
mandeur de prestations correspond aux
critères fixés par l'aide sociale, il est
sommé de suivre un stage d'un mois à
temps complet, dispensé par les
Etablis sements publics pour l'intégra-
tion (EPI) ou, nouvellement, l'entreprise
Pro. Suite à quoi, selon son degré
d'em ployabilité, le bénéficiaire sera
orienté vers un CAS (Centre d'action
sociale) pour un suivi social, ou vers le
SRP (Service de réinsertion profession-
nelle) pour un suivi de réinsertion per-
sonnalisé. En pratique, ledit stage
exclut le cas par cas et, de ce fait, peut
s'avérer superficiel, stigmatisant et
arbitraire.
Les bénéficiaires exécutent durant ces
stages, pour des entreprises externes
actives sur le marché, des tâches répé-
titives, comme la saisie de données, la
mise sous pli ou la déconstruction d'or-
dinateurs, et cela gratuitement. Un
mois qui pourrait être utilisé à meilleur
escient dans le cadre de recherches
d'emplois, avec un encadrement inten-
sif à la clé ou une réelle évaluation des
lacunes du demandeur d'emploi.
L'article du Courrier déjà cité rapportait
le témoignage de Maya (prénom fictif),
une jeune femme en stage à l'entre-
prise Pro, une expérience qu'elle ju -
geait « avilissante ». Selon ses propos,
deux surveillants assuraient le respect
des horaires ainsi que la distribution et
l'exécution des activités, tandis qu'une
chargée de stage évaluait son em -
ployabilité sur des bases « rigides et
réductrices ».
Maya accepte aujourd'hui d'en dire un
peu plus. Pour elle, ce stage ressemble
à « de l'exploitation de main-d'oeuvre à
moindre coût et à une perte de temps.
Comble de l'absurde, j'ai été redirigée
vers un CAS alors que je travaille à
temps partiel ». Elle déplore que, mal-
gré les attestations de ses employeurs
lui octroyant une dérogation au plein
temps imposé, la chargée de stage ait
estimé son taux de présence insuffisant
pour une évaluation à la fin des quatre
semaines. Appliquant la loi à la lettre,
elle l'a recalée au CAS.
Au final, un mal pour un bien, témoigne
l'intéressée : « Au niveau économique
et de l'image de soi, cette situation est
très dure. Mais paradoxalement, je me
sens mieux encadrée au CAS qu'au
chômage.
4
Avec mon assistante so -
ciale, nous avons mis sur pied une stra-
tégie comprenant une formation conti-
nue pour pallier mes lacunes et ajouter
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choisir
juin 2013
3 · Cf. « Aide sociale : premier inventaire », in
Le Courrier, 21.02.2013, p. 3.
4 · Avec 120 à 180 dossiers par conseiller,
l'ORP à Genève a de quoi être dépassé.