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U n i v e r s a l i s m e d e l ' h u m a n i t a i r e
Ceci est obligatoire de par Dieu. Il est
savant et sage » (Coran IX,60.) En plus
de ces aumônes, l'islam connaît aussi
le waqf, une donation à une oeuvre
d'uti lité publique, pieuse ou charitable.
L'apport du christianisme
Chaque civilisation a donc eu tendance
à former des « îles d'humanité » à l'in-
térieur desquelles certaines règles limi-
tent la violence et imposent une solida-
rité à l'égard des personnes dans le
besoin. Ces règles n'étaient ordinaire-
ment applicables qu'entre membres de
la même civilisation, voire du même
peuple ou de la même tribu. Platon lui-
même écrit qu'il faut observer certaines
limites dans les guerres entre cités
grecques, mais que celles-ci n'ont pas
cours dans les guerres contre les Per -
ses...
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Le christianisme, en ce sens, a cassé
les frontières de l'humanitaire. Il est à
l'origine du caritatif chrétien et, directe-
ment ou indirectement, des valeurs de
l'humanitaire occidental contemporain.
Ce sont les oeuvres de l'Eglise et les
ordres hospitaliers (dont l'Ordre de
Saint-Jean de Jérusalem, plus connu
sous le nom d'Ordre de Malte) qui ont
construit les premiers hôpitaux et
hospices de la chrétienté. Ils ont été
supprimés dans de nom breux pays au
moment de la Réforme, puis au lende-
main de la Révolution française, avant
d'être remplacés aux XIX
e
et XX
e
siècles
par des systèmes de santé et d'assis-
tance sociale philanthropiques, puis
étatiques.
13
s
o
c
i
é
t
é
juin 2013
choisir
Ce sont aussi des chrétiens engagés
qui ont été les promoteurs de l'humani-
taire universel moderne, dégagé de
tout contenu religieux : Henry Dunant,
le docteur Nicolas Pirogov, fondateur
de la Croix-Rouge russe, William Wil -
berforce, fondateur de la Société bri-
tannique contre l'esclavage, la roman-
cière Harriet Beecher Stowe (auteur de
La Case de l'oncle Tom) et sa lutte
contre l'esclavage aux Etats-Unis...
L'identification du Christ à tout être
humain engage chaque chrétien à l'ac-
tion humanitaire sans discrimination.
Au Jugement dernier, le chrétien sera
en effet interpellé sur des gestes conc-
rets de solidarité. Il devra répondre de
ses actions et de ses omissions. Les
sept oeuvres de miséricorde corporelle
citées par l'Evangile (Mt 25),
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déjà
connues sous le nom d'enseignement
de Ptahhotep
dans l'Egypte ancienne,
sont une liste d'actes humanitaires :
donner à manger à ceux qui ont faim ;
donner à boire à ceux qui ont soif ; vêtir
ceux qui sont nus ; loger les pèlerins et
recueillir les étrangers ; visiter les mala -
des ; visiter les prisonniers ; ensevelir
les morts.
En relation avec l'humanitaire, la doc-
trine sociale de l'Eglise catholique
mentionne les valeurs de justice et de
solidarité « comme voie privilégiée de la
paix ».
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L'humanisme occidental
Aussi est-ce en Occident que sont ap -
parus l'humanisme et la conception
universaliste de l'humanitaire. Sous un
aspect philosophique d'abord, du Dis -
cours sur la dignité de l'homme
de Pic
de la Mirandole et de l'Eloge de la folie
d'Erasme, en passant par l'Utopie de
Thomas More et le Projet de Paix per-
pétuelle
de Kant, jusqu'à Beccaria
8 · La République V, 471a et b.
9 · Cf. Jacques Trublet, « Le Jugement der-
nier. La radicalité du message », in choisir
n° 635, novembre 2012, pp. 14-17.
10 · Compendium de la Doctrine sociale de
l'Eglise catholique, & 203.