tions ou de théories saluées par un grand retentissement médiatique, alors qu'elles ne résistent pas plus à la cri- tique scientifique qu'au démontage des mécanismes mentaux qui les construi- sent. Mais il est alors souvent trop tard. La croyance s'est si solidement instal- lée dans l'opinion que l'on se fait des choses, qu'elle résiste aux arguments fondés sur la connaissance la mieux éta- blie. C'est le phénomène que dénonce le sociologue français Gérald Bronner. L'auteur cite le cas du vaccin ROR (rou- geole, oreillons et rubéole), qu'une étude trompeuse de la fin des années 1990, portant sur douze cas seulement, mit en relation avec diverses patholo- gies, dont l'autisme. Le Medical Council britannique la condamna. Il reste que la couverture vaccinale chuta et que les cas de rougeole subirent une notable re crudescence. De la même eau, et toujours selon Bronner, la dangerosité de la molécule de l'aspartame ou des OGM, les méfaits des lignes à haute tension et des anten- nes de téléphone mobile, les leucémies infantiles provoquées par la proximité de centrales nucléaires. « L'inquiétude, écrit l'auteur, est un excellent produit médiatique. » La crédulité est un effet pervers de l'in- telligence humaine. Celle-ci retient spontanément les informations qui ren- forcent son inclination première (le «biais de confirmation ») et tend à négliger les faits qui la contrarient. Elle est rétive au séries » comme une anomalie significa- tive : plusieurs accidents d'avions qui surviennent le même mois, par exem- ple, plutôt que de se trouver répartis tout au long de l'année. Lorsqu'il s'agit d'interpréter des statistiques, elle peine à intégrer la donnée décisive de la taille de l'échantillon. Elle est vulnérable à « l'effet Fort », du nom de l'écrivain amé- ricain, apôtre du paranormal, Charles Fort (1874-1932), qui consiste à accu- muler en faveur d'une thèse, à la façon d'un millefeuille, des arguments dispa- rates, sans autre relation les uns avec les autres que de construire ou de ren- forcer une conviction. Pratique ordinaire des théoriciens du complot. Plus que jamais, par les effets accéléra- teurs et multiplicateurs de l'Internet, nous nous trouvons cernés par des pro - positions de sens. Les avis hétéro- doxes, les hypothèses douteuses se bousculent sur le Web, alors que les scientifiques considèrent souvent qu'ils n'ont pas le temps de disputer sur chaque sujet de controverse. Du fait de leur masse, ces avis et hypothèses se trouvent ainsi privilégiés par les moteurs de recherche, ce qui accroît leurs chan- ces d'influencer les esprits. Comment se garder des travers qu'en- courage la mutualisation des discours, des plus réfléchis aux plus farfelus ? La responsabilité des journalistes et des médias est ici directement engagée. i v e o t s trop crédule ? |