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D r o g u e s : s o r t i r d u m o d è l e r é p r e s s i f
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juin 2013
choisir
Cela n'a pourtant pas duré ?
« Ce nouveau comportement a été
stoppé net par la guerre en Afghanistan
et la fin des conflits au Kosovo, taris-
sant l'approvisionnement en héroïne
base
, remplacée sur le marché par la
cocaïne. Le seul petit îlot subsistant de
trafic d'héroïne issu du Kosovo est à
Genève, et dans une moindre mesure à
Zurich. La cocaïne, elle, passe par la
Hollande et l'Espagne via l'Afrique. Les
mules qu'on arrête quotidiennement
vont pratiquement toujours à Amster -
dam. J'y suis allé. Et quand on voit l'im-
mensité du site où sont débarqués les
containers des paquebots, on voit bien
qu'il est impossible pour la police de
contrôler les ports.
» Chez le consommateur, l'effet eupho-
risant de la cocaïne, de courte durée, a
créé des comportements compulsifs.
Certains se font 20 à 30 shoots par jour.
Les seringues s'échangent à nouveau,
avec les problèmes sanitaires qu'on
connaît. La cocaïne se sniffe et se fume
aussi sous forme de crack, avec des
dégâts énormes. On est passé subite-
ment de la fin des années 1990, où l'on
considérait la cocaïne comme une dro-
gue récréative, à un produit bien plus
pernicieux quand il est consommé en
masse par des gens déstructurés. Et
pour cette drogue, il n'y a pas de prise
en charge socio-thérapeutique possi-
ble, car il n'existe pas de "méthadone"
de la cocaïne.
» De plus, la cocaïne est stimulante et
donc génératrice de violences, contrai-
rement à l'héroïne qui est un dépres-
seur du système nerveux central. Dès
le début des années 2000, des centres,
comme le drop-in de Neuchâtel,
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nous
appelaient au secours, mettaient en
place des règlements, ne toléraient
plus les chiens... parce qu'il y avait trop
de bagarres. Ces comportements se
sont généralisés dans l'espace public.
Ces nouveaux toxicomanes, plus viru-
lents, sont aussi beaucoup plus diffici-
les à gérer sur le plan policier. »
Pourquoi la migration maghrébine est-
elle montrée du doigt quand parle de
drogue et de délinquance ?
« Les Maghrébins sont spécialisés dans
le trafic du cannabis et du haschich. Ils
empiètent aussi parfois sur les territoi-
res de la cocaïne, un marché bien plus
lucra tif. Un kilo de cocaïne permet de
tirer 250 000 francs de bénéfices ; un
kilo de cannabis, 10 000 francs. Il y
a, par contre, immensément plus de
clients de cannabis que de cocaïne
(des centaines de milliers). C'est là
qu'ils s'y retrouvent.
» Le souci majeur du trafic de cannabis
vient de l'existence de communautés
spécialisées dans le domaine, notam-
ment les Africains de l'Ouest, qui po -
sent problème sur le plan de la gestion
de la sécurité urbaine. Car leur trafic se
déploie au coeur de l'espace public. »
Votre idée pour lutter contre le trafic
gênant du cannabis et du haschich est
de permettre à tout citoyen majeur de
cultiver des plans chez lui pour sa
consommation personnelle. Avec quels
bénéfices ?
« Un régime d'autorisations, plutôt que
de simple répression, permettrait de
sortir les fumeurs de joints de la clan-
destinité. Je connais beaucoup de
2 · Centre de formation, d'information, de pré-
vention et de traitement des addictions
pour jeunes et adultes, créé en 1974.
L'offre thérapeutique est adaptée à la pro-
blématique du patient. Les prises en
charge se complètent, au besoin, par un
soutien social et/ou des offres pharmaco-
logiques telles que cure de substitution
et/ou médication psychotrope.