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L a f o r c e d e s ' a c c r o c h e r
de celle d'Alicia, dit l'actrice Joghis
Seudin Arias. Elle est assez banale,
beaucoup de jeunes femmes en Co -
lombie vivent la même chose. » Le film
est, selon Vega lui-même, « une méta-
phore d'un pays qui recèle de grandes
beautés géographiques et ethnogra-
phiques, mais où la peur est vraiment
ancrée. Beaucoup de personnes subis-
sent cette peur sans rien donner à voir. »
Effectivement, les personnages expri-
ment peu, mais restent humains. Il n'y a
pas de résolution simplifiée de leurs
relations ambigües, et cela participe de
la tension dramatique.
L'admirable travail sur les sons aqueux
décale l'atmosphère lacustre hors du
réel, vers le conte... Le bruit des pieds
qui s'enfoncent dans la vase (mud en
anglais) nous emmène vers d'autres
berges...
En Arkansas
... celles de Mud (Sur les rives du Mis -
si ssippi
, comme le signale le titre fran-
çais), plus exactement en Arkansas,
l'Etat dont est originaire le réalisateur
Jeff Nichols.
Ellis (Tye Sheridan, très bien), 14 ans,
s'échappe un soir de la péniche où ses
parents se disputent. Avec son copain
Neckbone, il part en bateau à moteur,
en quête d'une épave échouée sur une
île. Là, les deux garçons rencontrent un
homme dont les bottes laissent des em -
preintes en forme de croix. C'est Mud
(Matthew MacConaughey). Il est armé,
musclé, bronzé, tatoué et dit avoir ren-
dez-vous sur cette île avec sa fiancée
(Reese Witherspoon) qu'il n'a jamais
cessé d'aimer depuis le jour où, gamin,
elle l'a sauvé d'une morsure de serpent.
Ellis est touché par cette histoire
d'amour romanesque. Neckbone est
plus méfiant. Jour après jour, en ravi-
taillant secrètement Mud, terré sur son
île, les adolescents vont entrer dans son
monde : celui, compliqué, d'un marginal
à la dérive, d'un fugitif recherché par la
police et des chasseurs de prime.
Mud est de facture beaucoup plus
classique que le précédent film de Jeff
Nichols, le surprenant et contemplatif
Take Shelter. C'est un thriller qui déga ge
une certaine douceur : son récit se dé -
veloppe au rythme paisible du fleu ve. Le
point de vue étant celui des ga mins, le
scénario nous tient en halei ne par
l'éclaircissement progressif du mys tère
qui entoure Mud.
« Mark Twain est depuis toujours l'un
de mes écrivains préférés », dit Jeff
Nichols, qui a fait lire à ses jeunes co -
médiens les Aventures de Huckle berry
Finn
. « Mud parle d'initiation et de mas-
culinité. Je voulais faire un film sur un
coeur brisé et un amour fou non réci-
proque. Quand j'ai vécu ça, j'avais
l'âge d'Ellis. » Ellis, dont le père est un
peu falot, trouve en Mud un modèle
d'identification, mais il va se confronter
à la réalité cruelle, au mensonge et à la
désillusion.
Le film n'en demeure pas moins résolu-
ment positif. A l'heure du tout-cynique,
Nichols propose des personnages qui
veulent croire (en l'autre, en l'amour...).
Trois générations d'hommes (Sam She -
pard joue la figure paternelle de Mud)
au bord du Père des eaux (le nom
donné au Mississipi par les Indiens),
dans une histoire qui permet à chacun
de s'extraire de situations où il était
enlisé.
Jeff Nichols avait écrit ce film il y a dix
ans déjà pour Matthew Mac Conau -
ghey. Avec Mud, le beau gosse viril et
charismatique confirme sa place parmi
les meilleurs comédiens de sa généra-
tion.
P. B.
30
c
i
n
é
m
a
choisir
juin 2013
Mud - Sur les
rives du
Mississippi, de
Jeff Nichols