spiritualité Un Carême au présent « Le Carême... ? pas exactement le moment le plus palpitant de l’année. » C’est là une remarque entendue assez régulièrement. Je vois même parfois des gens se casser la tête à chercher quels renoncements ils pourraient bien faire pour honorer ces 40 jours qui les séparent de Pâques. Il est vrai qu’il est tentant de réduire cette période à cette ascèse. Et l’époque de surabondance que nous vivons incite à une forme de retrait - de décroissance comme disent certains - pour mieux mesurer la différence entre le nécessaire et le superflu. Dans la tradition biblique, le chiffre 40 rappelle les années de l’Exode et les jours qui précèdent le début de la vie publique du Christ. Il s’agit, dans les deux cas, d’un temps de préparation à un grand changement, d’un temps pour se retrouver avant d’être con fronté à de grands bouleversements. Pas question de renoncer pour renoncer, mais d’avoir le regard fixé sur ce qui vient après... de vivre intensément le présent, pour accueillir un « à venir ». En fait, d’être au cœur de ce qui fait la vie : savoir goûter l’instant, pour appréhender l’avenir. Vivre le présent est peut-être l’une des ascèses les plus exigeantes qui soit. Nous sommes toujours pris dans les tensions entre le passé et le futur, et donc difficilement attentifs au maintenant. Une des clés du bonheur est dans cette capacité de goûter le moment actuel, de reconnaître l’éternité dans l’instant. Pour développer cette attention, il faut savoir se soustraire à certaines sollicitations et ne pas céder à la frénésie des possibles. Sous nos latitudes, nous avons la chance de vivre ce temps de Carême durant les semaines qui nous introduisent au printemps. La nature ellemême semble choisir cette époque de l’année pour dévoiler un aujourd’hui plein des promesses. Elle nous rappelle quotidiennement l’intensité du présent. Finalement, la question qui pourrait nous accompagner jusqu’à Pâques ne serait-elle pas : comment privilégier, durant le Carême, l’attention au moment présent ? Chacun peut y apporter sa propre réponse, pourvu qu’elle lui permette de dégager un peu de temps et d’attention à ce qui le rend plus heureux. Parce que Pâques, c’est la fête de la victoire de la vie et du bonheur sur la finitude et la mort. Les difficultés de nos existences ne sont pas niées, mais vues comme ce qu’elles sont : des instants de notre vie, auxquels succèderont d’autres heures plus légères. Vivre le présent, c’est donner de l’intensité et de la profondeur à nos vies. Bruno Fuglistaller sj choisir avril 2014 8