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L e s
L u mi è r e s
d u
p é n a l
les biens réside moins dans l’exemplarité indémontrable du supplice que dans des lois sociales plus égalitaires. En prônant invariablement la modération des peines, Beccaria pense à leur utilité sociale. Salué à la fin du XVIIIe siècle par le père spirituel de la philosophie carcérale moderne Jeremy Bentham (1748-1832), l’utilitarisme de Beccaria lie l’effet maximal de l’instruction judiciaire et de la peine modérée à son coût minimal sur le plan humain. En conséquence, il condamne sans appel la torture comme fondement de la preuve légale du crime par l’aveu. Il oppose l’insertion sociale du condamné par la prison corrective à l’infamie. Mais surtout, il propose d’abolir sine die la peine capitale pour tous les crimes de droit commun. Contrairement à toute la tradition juridique classique, qui remonte à Platon et au droit romain, Beccaria affirme que la peine capitale n’est pas un « droit ». En cela il conteste les pratiques de son temps. N’intimidant personne, donc inutile, elle n’a jamais « rendu les hommes meilleurs ». Au contraire, visible dans la publicité du supplice de la roue ou de la pendaison, sa « cruauté » est socialement nuisible. De plus, la mort sur l’échafaud brise l’impérative proportion qui doit exister entre la sévérité de la peine et la gravité du crime. Au temps de Beccaria, partout en Europe, le voleur et l’assassin peuvent être punis par la peine capitale. Contrairement à la « réclusion perpétuelle » ou aux travaux forcés - que Beccaria oppose aux supplices -, la peine de mort élimine dans la souffrance, sans corriger ni réinsérer le con damné. En outre, l’échafaud rend l’erreur judiciaire irréparable. Le droit humain et la dignité judiciaire de l’Etat condamnent le « dernier supplice », ce châtiment
suprême, sans effet sur la prévention du crime. En pariant, comme Rousseau, sur la perfectibilité humaine et sociale, Beccaria aspire à la pénalité correctrice de l’Etat réparateur qui, après la Révolution, sera celle de l’Etat de droit. Celui-ci peut assurer l’efficacité maximale de la répression à un coût humain minimal, soit la prévention du crime par la sauvegarde de la vie du condamné.
Son impact en Europe
Modération de Montesquieu, matérialisme d’Helvétius, égalitarisme de Rousseau, empirisme des philosophes anglais : telles sont les autorités qui guident la philosophie pénale et le ré formisme de Beccaria. Ecrit non juridique contre le droit positif de son temps, réquisitoire philosophique des apologistes qui basent la morale religieuse et la discipline sociale dans la souffrance suppliciaire, son ouvrage devient un best-seller après 1760. Traduit dans toute l’Europe, le texte enflamme les magistrats et les intellectuels éclairés. Il est reçu comme la sommation des Lumières contre la justice arbitraire des Etats absolutistes ancrés dans le droit divin. Le traité est mis à l’Index, puis combattu par des Inquisiteurs, des jésuites ou encore des magistrats hostiles à la modération pénale. En 1767, l’avocat au Parlement de Paris Pierre-François Muyart de Vouglans (1713-1791), zélateur de la peine capitale et procureur à charge du contrat social de Rousseau, attaque Beccaria. Sa Réfutation des principes hasardés dans le Traité des délits et des peines prétend que la « modération » mène au laxisme pénal, à l’impunité des criminels et à la dissolution des autorités traditionnelles. « La peine de mort est le signe spécial et éternel de la barbarie »
Victor Hugo, Discours à l’Assemblée constituante, 1848.
histoire
23
avril 2014
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