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L e s
L u mi è r e s
d u
p é n a l
histoire
Beccaria, Des délits et des peines, préface de Robert Badinter, Paris, Flammarion 2006, 188 p. Michel Porret, Beccaria. Le droit de punir, Paris, Michalon 2003, 128 p.
Philosophe de la rébellion, Beccaria viserait à détruire la « religion », les « mœurs » et l’Etat. Les ténors des Lumières, pour leur part, encensent Beccaria. En Angleterre, le jurisconsulte William Blackstone (1723-1780) et le philosophe Jeremy Bentham en louent la modernité et l’utilitarisme. Aux Etats-Unis, où Beccaria paraît dans une édition anglaise de 1777, Thomas Jefferson (1743-1826) s’en inspire pour forger libéralement le droit pénal de la jeune démocratie. Dans le Nord de l’Europe (Pays-Bas, Suède, Norvège), en Suisse et dans l’Espagne de l’Inquisition, Beccaria inspire des avocats, des notables et des magistrats qui tentent d’humaniser la justice en la dépouillant de ses attributs suppliciaires. En 1766, le patriciat bernois récompense Beccaria en lui remettant une médaille honorifique pour la cause de l’humanité. Même écho dans la France de Louis XV : l’avocat général Servan (17371807), les encyclopédistes, l’économiste libéral Turgot (1727-1781) et l’abbé voltairien André Morellet (17271819, traducteur français en 1765 de Beccaria) encensent le « Rousseau des Italiens » pour son humanisme pénal. Viscéralement attaché aux « droits de l’homme », luttant jusqu’à la mort contre l’infâme et les erreurs judiciaires, Voltaire salue Beccaria comme son « frère en philosophie ». Il en fait son allié objectif contre les excès de la justice royale enchaînée à l’Eglise. Agé de 71 ans, le patriarche de Ferney glorifie l’« auteur humain du petit livre Des délits et des peines, qui est en morale ce que sont en médecine le peu de remèdes dont nos maux pourraient être soulagés ». En 1786, le souffle humaniste de Beccaria inspire la loi toscane du Grand-duc Pierre-Léopold. Pour la
première fois au monde, un prince éclairé abolit la peine capitale. Récurrente dès 1789 chez les juristes révolutionnaires qui préparent le Code pénal en France (1791), le projet beccarien inspire à Genève les auteurs du « projet de Code pénal » de 1795. Commenté dans l’Europe catholique et protestante, contesté par les conservateurs et les apologistes, Beccaria ouvre la voie au régime pénal de la modernité : la peine juste et non expiatoire vise l’utilité sociale plutôt que la vindicte du souverain ou du « peuple ». La justice visera la réparation du mal et non la vengeance du sang. Elle sera la sanction politique du contrat social, mais détachée de toute idéologie sécuritaire.
Un humaniste
Si le Milanais n’invente pas le droit pénal moderne, il en synthétise et en universalise les exigences sociales de modernité, cette modernité punitive tournée vers la modération, que soutiennent déjà certains juges et magistrats éclairés de son époque. Modération pénale et laïcisation des contentieux : l’humanisme de Beccaria brise toute analogie entre le péché et le crime. C’est pour cela que son impact est immense dans l’Europe dominée par la religion et l’absolutisme de droit divin. Beccaria incarne l’éthique pénale des droits naturels de l’homme, universalisée après 1789 et enracinée dans la légalité constitutionnelle. Parfois qualifié d’utopiste, Beccaria a ouvert la voie inéluctable vers l’abolition universelle de la peine capitale. Une parole d’humaniste qui, aujourd’hui encore, soude le droit de punir aux droits de l’homme. M. P.
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