U n t r é s o r q u i s o r t d e s a r é s e r v e expositions était la plus grande des vertus, la générosité assurait au fidèle le salut de son âme. Les trésors se sont donc constitués grâce à la ferveur religieuse. Leur origine coïncide avec le règne de Constantin, qui fut le premier à enrichir Rome de somptueuses pièces d’orfèvrerie et qui contribua ainsi au développement du culte - bientôt prépondérant - des reliques. Les offrandes deviendront dès lors et tout au long du Moyen Age, une pratique obligée dans l’exercice du pouvoir, en particulier sous la dynastie carolingienne. Par ses largesses, le souverain manifestait publiquement sa dévotion. Louis IX ne fut pas moins magnanime en offrant à Agaune un fragment de la couronne des saintes Epines, qu’on peut du reste admirer à Paris. Sa libéralité était immense en regard du prix formidablement élevé auquel Baudoin II le lui avait cédé. A la demande du donateur qui souhaitait répandre le culte de saint Maurice, le monastère donna en retour une relique de celui-ci. Le mécénat princier joua un rôle crucial d’exemplarité, qui eut pour conséquence l’exécution d’un nombre croissant de reliquaires, surtout aux VIIIe et IXe siècles. Qu’importait le tombeau vide d’un insigne défunt dont on se partageait les restes, pourvu que ces derniers fussent présentés dans de somptueux écrins offerts à la vénération. L’abbaye d’Agaune Fondée en 515 par le roi burgonde Sigismond, le monastère d’Agaune a été édifié dans le Valais à l’emplacement du sanctuaire qui abritait les restes de saint Maurice. Placé à la tête de la Légion thébaine, le soldat chrétien avait reçu l’ordre d’exterminer les nouchoisir avril 2014 32 veaux convertis au christianisme qui s’étaient établis dans le Valais, à proximité de l’actuelle Martigny. Pour avoir refusé d’obéir, il fut martyrisé avec ses armées aux alentours du IIIe siècle. Considéré comme un protagoniste majeur dans l’histoire de la christianisation de l’Europe au nord des Alpes, il contribua à la bienveillance des mérovingiens après que la région eut été conquise par les Francs. Important pour être aujourd’hui le plus ancien monastère d’Occident encore en activité, Saint-Maurice d’Agaune ne l’est pas moins pour son trésor. Les pièces d’orfèvrerie étaient des biens vulnérables, menacés par ceux-là mêmes qui les détenaient. Les monastères, en effet, pouvaient décider de fondre ou de vendre des objets afin de subvenir aux besoins de la communauté. Le trésor de Saint-Maurice présente la rareté de posséder encore les premiers dons effectués aux alentours du VIe siècle. Notamment le très beau vase dit de saint Martin qui, selon la légende, aurait été offert par saint Martin lui-même. On pense aujourd’hui qu’il fut plus vraisemblablement donné par Sigismond ou par un donateur d’importance, comme le laisse supposer le vase en sardonyx dont il est composé. Si le montage en cloisonné rehaussé de pierres précieuses et de cabochons remonte sans doute au début du VIe siècle, le vase appartient à la période impériale. Il est exemplaire de la grande tradition de la glyptique1 du premier siècle avant Jésus-Christ. Ses scènes renverraient d’ailleurs à un rite funéraire ou à la mythologie. 1 • Art de graver sur pierres fines. (n.d.l.r.)