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N o b l e s s e
o b l i g e
appliquer cette phrase qu’il met dans la bouche de l’un des protagonistes de son livre, l’abbé de Pradts : « Son naturel ne le portait pas à aimer le genre humain, mais il a pu l’aimer grâce aux garçons. » Cette phrase est intéressante dans la mesure où elle nous amène à nous demander si le naturel de Dieu ou de son Fils le porte vraiment à aimer le genre humain. On peut être un parfait chrétien et se permettre d’en douter. Certes, ce genius pueritae à base de pédérastie (non refoulée) n’est pas l’esprit d’enfance cher à Bernanos, mais en est-il si éloigné ? Ce que j’aime par-dessus tout en lui, c’est sa parfaite aisance. Montherlant est encore d’un temps imaginaire - mais très vivace dans certains esprits où l’aristocratie ne payait pas d’impôts et portait l’épée. Montherlant, c’est du tripatouillage d’âme comme on l’aime, des cas de conscience cruels, des hauts débats, un sadisme de haute tenue et bien venu, des larmes délicates, des morts tendres, du sublime derrière et hors des grilles. La clôture chez Montherlant joue un aussi grand rôle que chez Genet. Par clôture, je n’entends pas seulement couvent, mais collège, prison, caste, clan, etc., tout ce qui obéit à une règle particulière et qui sépare, qui met à part. Montherlant n’aime les hommes que lorsqu’ils sont séparés des autres : les sentiments de la distance aristocratique encore une fois. Du sublime, disje, à ne plus savoir qu’en faire, sur un fond humain, trop humain ; du subtil, de l’admirable, du pathétique sur fond de louche et de faisandé. Marié dans une civilisation raffinée, aujourd’hui éteinte et plus éloignée de nous que les ruines de Pompéi, et qui, malgré les fumées démocratiques du siècle, imprè gne tous ses livres. Mariné dans deux mille ans de ferraillerie théologique et
de casuistique effrénée, mariné aussi dans Ovide, dans Gracian, dans Racine, dans Bussy-Rabutin, dans mille ans d’histoire de France et dans trois siècles d’histoire romaine (ses deux histoires saintes).
Le regret de la foi
Bien qu’il n’eût pas la foi, (l’ayant perdue, nous dit-il, quand il lut à l’âge de treize ans Quo Vadis qui, de son point de vue, donnait des Romains une peinture plus attrayante que celle des chrétiens ; on a vu dans Milton un autre exemple de livre écrit pour justifier les vues de Jéhovah, aboutissant sans le vouloir à l’apologie de son ennemi), Montherlant souffrait quand on lui disait que la foi disparaissait chez les autres, et de même lui était-il presque insupportable d’entendre dire du mal de la religion. La perte de la foi chez l’homme, c’était pour lui une grandeur, une transcendance qui tombait, la diminution de la qualité de l’homme, un appauvrissement de sa substance et la disparition de tout noble conflit. Autrement dit, la disparition de l’humain dans l’homme. II y a en l’homme une exaltation et une passion qui ont besoin du recours à Dieu, fût-ce pour le nier. On retrouve cette attitude chez Baudelaire et chez les meilleurs de notre race, nés sous la domination du Démon. Des écrivains comme Montherlant sont, dans un monde qui a évacué le surnaturel, des anges gardiens, des dieux tutélaires, des saints intercesseurs. Eux aussi ils ont livré bataille et ils savaient qu’un bonheur sans grandeur est pire qu’une science sans cons cience. G. J.
lettres
37
avril 2014
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