Politique carcérale Les enjeux d’une élection avocat candidat au poste de procureur général du Canton, rédactrice en chef ••• Une interview de Pierre Bayenet, Genève, par Lucienne Bittar, Genève, En 2012, le meurtre sauvage de Lucie, une Fribourgeoise de 16 ans, par un récidiviste, puis celui de Marie, 19 ans, en mai 2013 près de Payerne, par un autre récidiviste, psychopathe de surcroît, a bouleversé l’opinion publique. Les dysfonctionnements du système judiciaire suisse ont été fortement critiqués, et des voix de plus en plus nombreuses se sont élevées pour exiger un durcissement du Code pénal. A Berne, le Parlement s’est retrouvé sous le tir d’une rafale de motions et d’interpellations de députés de l’Union démocratique du centre (UDC) et du Parti évangélique (PEV) réclamant plus de répression : internement à vie pour les délinquants sexuels multirécidivistes, interdiction de la liberté conditionnelle pour les auteurs de crimes « trop » graves, alourdissement des peines pour viol, impossibilité de liberté conditionnelle pour les peines prononcées à vie, fin des congés pour les personnes internées, etc. Même les mineurs ont été visés, avec la motion de Hans Fehr (UDC/ZH) demandant à ce que les mineurs auteurs de crimes particulièrement graves soient jugés comme des adultes. 1 • Prison de Champ-Dollon, Rapport d’activités 2012, à consulter sur www.ge.ch/ champ-dollon/doc/rapport-d-activites2012.pdf . (n.d.l.r.) Ce vent répressif a fortement secoué Genève suite à la sombre affaire Adeline, qui a conduit à la fermeture avancée du Centre de resocialisation pour criminels dangereux de La Pâquerette, en janvier 2014. L’arrivée d’Olivier Jornot, du Parti libéral radical (PLR), au poste de procureur général en avril 2012 a aussi conduit à un durcissement de la politique judiciaire du canton. Tenant de la sévérité à l’égard des délinquants, il s’est attaqué aux trafiquants de tous bords, mais aussi aux mendiants et aux travailleurs clandestins. Le Parquet aujourd’hui applique avec zèle la Loi sur les étrangers (Letr), n’hésitant pas à incarcérer les sanspapiers. Résultat, la prison genevoise de Champ-Dollon, prévue pour 376 détenus, est la plus surpeuplée du pays, avec un nombre moyen de 641 détenus en 2012, soit une augmentation de 41% par rapport à l’année précédente,1 qui est monté à 830 en mai 2013 et à 860 en mai 2014. Les conditions de détention y sont dégradantes et le personnel pénitentiaire - fatalement - surmené. Le centre de détention genevois a fait en février dernier les gros titres de la presse : trois jours de rixes graves entre détenus, admission par le Tri bunal fédéral du recours de deux prisonniers au vu de leurs conditions de société Lors de la session 2012 des Rencontres internationales de Genève (RIG), intitulée La prison en question(s), Philippe Burrin, président des RIG, déclarait : « Même si nous l’écartons de notre champ de vision, la prison fait partie de la vie de notre société. En tant qu’institution, elle a partie liée avec notre conception de la démocratie. A ce titre, elle nous engage à reprendre un débat toujours nécessaire sur la meilleure manière de conjuguer impératifs collectifs (punir, réparer, dissuader) et objectifs individuels (rééduquer, réinsérer). » 17 avril 2014 choisir