L e t o u r i s me c h a ma n i q u e e n A ma z o n i e société Pour en savoir plus : Jean-Loup Amselle, Psychotropiques. La fièvre de l’ayahuasca en forêt amazonienne, Paris, Albin Michel 2013, 240 p. Ce jugement a d’autant plus de force que le coût des soins de santé des personnes âgées est de plus en plus élevé en Occident. De quoi se demander si l’Amazonie ne deviendra pas dans un proche avenir une vaste maison de retraite médicalisée… C’est en tout cas dans cette direction que s’orientent un certain nombre de centres chamaniques qui se dotent de psychologues et de médecins, voire même se transforment en hôpitaux alternatifs. On assiste aussi à une spécialisation des donneurs de soins en fonction des besoins des différentes catégories de clientèle. Une place particulière est con sacrée à la clientèle féminine, comme dans la clinique Shipibo Shinan de Santa Rosa de Dinamarca, sur le fleuve Ucayali, où les soins spécifiques des femmes sont assurés par des guérisseuses autochtones. La troisième catégorie de touristes est composée de ceux qui veulent s’initier à la médecine de l’ayahuasca, pour devenir à leur tour des chamanes. Nombre de grands « chamanes-operators » forment des apprentis ou des adeptes qui, une fois initiés, se vouent à la transmission du savoir de leur maître, s’installant comme « médecins végétalistes » dans le monde entier et dirigeant les patients vers les centres thérapeutiques du Pérou. Les ratés Ces réseaux de phytothérapeutes centrés sur l’ayahuasca se sont attirés en France les foudres d’organismes publics ou privés, comme la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires8 ou l’organisation Psychothérapie vigilance. Plu sieurs actions en justice ont été inten tées à des « têtes » de réseaux qui choisir avril 2014 16 orientaient des candidats au « voyage » vers les centres amazoniens. Ces procès ont abouti à l’interdiction définitive de l’ayahuasca en France, considérée depuis 2008 comme un stupéfiant. La prise d’ayahuasca, en effet, n’est pas sans danger et l’on ne compte plus les cas d’arrêts cardiaques, de « pétages de plombs » ou de décès consécutifs à l’absorption de ce breuvage. Ces critiques contre les dérapages du chamanisme new age présupposent la vision romantique d’un chamanisme traditionnel, paré de toutes les vertus et ayant fait à ce titre l’objet d’une mise en patrimoine culturel par le gouvernement péruvien. La position de celui-ci est d’ailleurs ambiguë puisqu’il défend, d’un côté, un usage « authentique » de l’ayahuasca, tel qu’il serait encore pratiqué par les communautés natives d’Amazonie, et encourage, de l’autre, le développement du tourisme axé sur cette substance. Quoi qu’il en soit, les accidents, relativement fréquents, qui accompagnent cette pratique posent des problèmes aux autorités touristiques péruviennes. Qui cherchent aujourd’hui à réglementer la profession de chamane et à s’assurer que les touristes venant au Pérou pour y consommer de l’ayahuasca ont une condition physique leur permettant de supporter l’absorption de cette substance. Il est ainsi projeté de constituer des listes de chamanes « autorisés », qui auraient en quelque sorte le monopole d’exercice de la médecine amazonienne. C’est donc vers un véritable processus de médicalisation du tourisme chamanique centré sur l’ayahausca que s’orientent les autorités péruviennes. J.-L. A. 8 • Miviludes, Rapport www.miviludes.gouv.fr/. annuel 2009,