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Le tourisme chamanique
Anthropologue, directeur d’études à l’EHESS 1
••• Jean-Loup Amselle, Paris
Depuis quelques décennies, le tourisme chamanique en Amazonie est en train de devenir une véritable industrie et un phénomène de mode qui a largement investi l’espace public des pays occidentaux. Qui sont ces entrepreneurs chamaniques ? De quelle fièvre ces touristes occidentaux sont-ils en quête ?
L’Amazonie péruvienne est depuis quelques décennies le théâtre d’un afflux croissant de touristes venus du monde entier, à la recherche d’un breuvage hallucinogène, l’ayahuasca. Cette substance, absorbée sous le contrôle de chamanes, provoque des visions et est censée guérir un certain nombre de maladies. Anciennement pratiqué par quelques communautés autochtones de la forêt amazonienne, et seulement à certains moments de leur vie sociale, l’usage de l’ayahuasca s’est diffusé à d’autres groupes (métis, étrangers), en liaison avec le développement économique de cette région et au détriment de l’usage d’autres substances psychotropes. On ne compte plus les témoignages de ceux qui, pour des raisons mystiques ou médicales, se sont rendus auprès des chamanes de la forêt pour la consommer. Faute de statistiques officielles péruviennes, il est impossible de quantifier ces flux touristiques, d’ailleurs très difficiles à repérer puisque la plupart des voyages et des séjours sont entrepris sur une base individuelle, par le biais des sites web des chamanes, et se déroulent dans des lieux dispersés à l’intérieur d’une zone géographi que très vaste.
1 • Cet article a été publié dans une version plus longue, dans la revue Etudes n° 4202, Paris, février 2014, p. 33-42.
C’est dans des campements nommés lodges ou albergues, situés dans la fo rêt, à proximité des centres urbains d’Iquitos, de Pucallpa et de Tarapoto, que les chamanes accueillent les touristes, pour des périodes allant de quel ques jours à plusieurs mois. Ces lodges, souvent entourés de palissades et protégés par des gardes armés, forment des sortes de « communautés fermées », isolant les touristes du monde social amazonien, pour mieux les mettre en communication avec les « sortilèges » de la forêt. Les pensionnaires sont conviés à participer à des « cérémonies » de prise d’ayahuasca, au sein d’une nature sauvage largement mise en scène (des échantillons de la flore et de la faune amazoniennes sont exposés et des « communautés natives » mises en valeur à proximité). Mais dans le même temps, et de façon contradictoire, sont vantées les conditions de confort de type occidental qui y prévalent. Le développement du tourisme amazonien centré sur l’ayahuasca s’inscrit dans le cadre d’une filière économique qui combine plusieurs phases et plusieurs acteurs ajoutant de la valeur au produit et se situant en amont ou en aval de la pratique du chamanisme amazonien proprement dit. Au sein de cette filière, il faut distinguer tout d’abord les « propagateurs de la foi chamanique », qui s’expriment dans
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13
avril 2014
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