P o l i t i q u e c a r c é r a l e société Imaginons que demain le nombre de détenus se retrouve en adéquation avec les capacités de la prison. Comment faire de la prévention pour que le problème ne se renouvelle pas ? « Il faut tout d’abord agir en amont, chercher à limiter les délits. Ce qui est dissuasif, c’est moins la lourdeur de la peine, qu’une probabilité élevée de se faire attraper par une police efficace. » Il s’agit ensuite d’utiliser toute la gamme de punitions qu’offre le système. Il y a, par exemple, la peine pécuniaire, qui a l’avantage de ne pas désocialiser le contrevenant et ne coûte rien à l’Etat, voire lui rapporte de l’argent. Il y a encore le travail d’intérêt général. Le Service d’application des peines et mesures du canton de Genève place les condamnés dans des EMS, chez Emmaüs, etc. Le champ des possibles est large, il faut juste éviter d’entrer en concurrence avec l’économie privée. Cette alternative est intéressante car elle permet à la personne de rester insérée dans la société et peut même lui servir d’expérience professionnelle. Mais dans les faits, peu de peines de travail d’intérêt général sont prononcées, car elles demandent un suivi de l’Etat et engendrent des frais (inférieurs néanmoins à ceux de la prison). » Le bracelet électronique associé aux arrêts domiciliaires est une autre solution encore, applicable aux personnes jugées comme non dangereuses. Le condamné peut garder ses liens sociaux, tout en subissant un enfermement. Cela se fait beaucoup en Hol lande et en Suède et le taux d’échec de cette méthode est assez bas, environ 5 %. Ce système, malheureusement sous-utilisé en Suisse, est en phase de test à Genève et convient pour des peines inférieures à 9 mois. » Toutes ces peines alternatives ont le mérite de ne pas sortir le délinquant de son milieu social, de ne pas le couper de sa famille et de ne pas lui faire perdre son travail, s’il en a un. Pour les raisons inverses, la prison favorise la récidive. Et plus les conditions d’enfermement seront indignes, plus le détenu sortira fâché de prison et risquera de récidiver. Le cas de Genève est en ce sens préoccupant. De nombreuses personnes exécutent leur peine dans la prison préventive de Champ-Dollon, en régime carcéral plus dur, où les communications avec l’extérieur sont surveillées et les visites restreintes pour éviter des entraves au cours des enquêtes. » Enfin, un autre outil de prévention est la réinsertion. Pour éviter la récidive après un premier crime, il faut punir la personne de manière équilibrée et essayer de la réinsérer dans un milieu social adéquat. Cela revient moins cher de suivre un jeune de 20 ans pendant six mois pour essayer de le remettre sur les rails, que de le laisser dans la nature et finalement le retrouver en prison. Le Service de probation et de réinsertion, qui aide les anciens détenus à trouver du travail, accomplit dans ce sens un travail préventif très important. »5 Votre vision de l’Etat n’est-elle pas un peu paternaliste ? Sans doute, mais à choisir, je préfère une prise en charge paternaliste des délinquants que d’abandonner ceux-ci à la criminalité ! L. B. 5 • Autre outil alternatif en plein développement en Suisse, la médiation, inspirée de la justice restaurative plutôt que punitive. Voir Gérard Demierre, Restaurer au lieu de punir, p. 38. (n.d.l.r.) choisir avril 2014 20