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lettres
Noblesse oblige
Henry de Montherlant
••• Gérard Joulié, Epalinges
Ecrivain et traducteur
Philippe de Saint Robert, Montherlant ou l’indignation tragique, Paris, Hermann 2012, 396 p.
L’écrivain français a toujours eu un peu honte de n’être qu’un homme de lettres. Beaucoup ont été tentés par la politique. Sinon par la politique active, ils ont du moins éprouvé le besoin de dire leur mot sur les affaires publiques. Sous forme pamphlétaire (genre très français) ou autre. Cette mode ou cette maladie commence avec Voltaire. Chateaubriand, Lamartine, Hugo, Barrès ont suivi et la liste n’est pas close. Certains même, comme Michelet ou Malraux, sont presque allés jusqu’à idolâtrer l’Histoire, cette providence des athées et dans laquelle seule la Sibylle voit clair. Nous avons également des hommes d’action qui se piquent de littérature et qui, après s’être dévoués au service de la nation, se mettent à écrire leurs mémoires, pensant par là s’acquérir comme César une gloire im mortelle. Alexandre, lui, était plus sage, qui laissait ses biographes immortaliser sa geste, se contentant d’imiter son héros préféré, le bouillant Achille. Il est vrai que le fils de Philippe est mort dans son printemps, ce qui lui confère une supériorité romantique sur César. Beaucoup de nos gens de lettres ont rêvé de Bonaparte. Valéry lui-même, tout homme de cabinet et même de coulisses qu’il était, a cédé à cette tentation bien française. Sa poésie, à peine dégagée des brumes du symbolisme dans lesquelles l’avait enfermée son maître Mallarmé, a quelque chose
sinon de martial du moins de césarien. Comment rester chez soi, à l’abri derrière les portes capitonnées de son bureau, pendant que le canon tonne, que la patrie est en danger et que les plus braves se portent comme un seul homme au front, à l’instar de Péguy et d’Alain Fournier ?
En homme supérieur…
Henry de Montherlant n’a pas échappé à ce dilemme, qui fut celui des meilleurs de sa génération, comme Aragon, Bernanos, Drieu, Malraux, etc. Il fit en partie la Guerre de 14 et se tint prêt en 40. La guerre s’étant conclue de la manière que l’on sait, il écrivit des essais à la gloire du soldat. Il exalta comme il put le métier des armes. (N’oublions pas que Montherlant, comme beaucoup, avait été ébloui par la personnalité de Gabriele d’Annunzio, qui cumulait la gloire du héros, celle de l’écrivain et de l’amant. Qui pouvait lui résister ?) Il y avait en Montherlant plusieurs personnages : un aristocrate libertin mode lé sur Don Juan, un grand seigneur misanthrope inspiré d’Alceste (un Alceste janséniste) et un lecteur de Tacite, de Suétone et de Pétrone. Les troupeaux lui faisaient peur ainsi que les bergers. Pour un peu, il eût préféré les loups. Mais son cœur se portait toujours vers
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