L e t o u r i s me c h a ma n i q u e e n A ma z o n i e société toute une série de supports et d’organismes (livres, magazines, documentaires, sites web, directions régionales péruviennes du tourisme, associations de type spiritualiste, etc.). Tous se font les apôtres d’une croyance en l’existence de « plantes enseignantes » ou « directrices », qui se situe dans le prolongement des idées romantiques relatives à la puissance de la voyance, du surnaturel et de la médecine « holistique ». La diffusion de ces idées s’appuie également sur les écrits d’ancêtres prestigieux de la prise de substances hallucinogènes, comme Antonin Artaud, Henri Michaux, Aldous Huxley, Allen Ginsberg, William Burroughs, Carlos Castaneda, ainsi que sur les ouvrages plus récents d’écrivains adeptes du chamanisme et de l’ayahuasca, comme Corinne Sombrun,2 Amélie Nothomb3 ou Vincent Ravalec4. Mais ce sont surtout l’essayiste Jere my Narby et le cinéaste Jan Kounen qui ont divulgué la vulgate chamanique, au détriment d’une production anthropologique sérieuse. Ils ont fait beaucoup pour drainer vers l’Amazonie des masses importantes de touristes. Dans son livre Le Serpent cosmique, l’ADN et les origines du savoir,5 Narby établit un rapprochement entre la structure de l’ADN et le serpent cosmique - l’anaconda -, vision censée accompagner de façon quasi systématique la prise d’ayahuasca. Quant au documentaire de Kounen D’autres mondes, visible sur YouTube, il associe un reportage sur l’univers de l’ayahuasca en Amazonie péruvienne, en particulier au sein de la communauté shipibo, et des interviews de chercheurs accréditant l’idée que les hallucinations procurées par cette substance ont devancé certaines découvertes scientifiques.6 Préparation à base d’ayahuasca, Bolivie Des entrepreneurs Ce n’est de fait que depuis une vingtaine d’années que, dans le cadre du développement du tourisme, le terme de chamane, d’origine sibérienne, a 2 • Corinne Sombrun, Journal d’une apprentie chamane, Paris, Pocket 2004, 158 p. 3 • « Les voix intérieures d’Amélie Nothomb », Inexploré, le magazine de l’INREES, n° 17, Paris, janvier-mars 2013. 4 • Vincent Ravalec, Mallendi et Agnès Paichelet, Bois sacré. Initiation à l’iboga, Vauvert, Au Diable Vauvert 2004, 336 p. 5 • Genève, Georg 1997, 236 p. 6 • On retrouve les mêmes idées dans l’article du psychanalyste Serge Tisseron « Jimmy P., un mode d’emploi très actuel », in Libération, Paris, 18.09.13., qui porte sur le film d’Arnaud Desplechin, Jimmy P. (2012), lui-même inspiré du livre de Georges Devereux, Psychothérapie d’un Indien des Plaines, Paris, Fayard 1998, 678 p. choisir avril 2014 14