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Les Lumières du pénal
Cesare Beccaria
Professeur d’histoire moderne, Université de Genève
••• Michel Porret, Genève
Il y a 250 ans, Cesare Beccaria publiait Dei delitti e delle pene, véritable best-seller des Lumières. A l’heure où le populisme pénal ethnicise la criminalité, flatte la vindicte sociale, récuse l’Etat réparateur et prône l’excès pénal pour répondre à la question sociale de la misère et réprimer les indésirables sociaux, la parole humaniste de ce juriste du XVIIIe siècle retrouve tous ses droits.
En juillet 1764, paraît sous le couvert de l’anonymat, à Livourne (Toscane), un brûlot d’environ cent pages qui embrase l’Europe des Lumières : Dei delitti e delle pene (Des délits et des peines). L’ouvrage brise les liens traditionnels entre le péché et le crime, la religion et le glaive, le supplice et la peine. Contemporain du Contrat social de Rousseau,1 son auteur, le marquis milanais Cesare Beccaria (1738-1794), juriste de formation par tradition familiale mais philosophe par empathie intellectuelle, propose un nouveau paradigme pénal basé sur la sécularisation et la modération du droit de punir. Depuis le XVIe siècle, l’Etat moderne monopolise le droit de punir dans le ressort de sa souveraineté absolue. Le glaive est l’attribut régalien de la souveraineté royale ou républicaine. Il s’op pose à la vengeance privée de la justice compensatoire, qui est coutumière à l’époque médiévale.
1 • Michel Porret, « La peine de mort. Un garde-fou du contrat social », in choisir n° 630, juillet 2012, pp. 29-32. 2 • Michel Foucault, Résumé des cours, 1970-1982, Paris, Julliard 1989, pp. 29-51. 3 • Les Six Livres de la République, éd. de 1583, éd. par Gérard Mairet, Paris, Livre de poche 1993, p. 167.
Avec cette obligation répressive qu’instaure l’institution du parquet (procureur général), le droit de punir bascule dans la pratique du supplice expiatoire. Appliquant une violence pénale calquée sur l’atrocité du crime (le bûcher pour la femme accusée de sorcellerie), le supplice public appartient aux quatre modalités punitives qui, depuis l’Antiquité, cadrent dans la cité la justice criminelle.2 Tout d’abord l’exil, soit le bannissement pénitentiel ou pénal qui éloigne de la cité l’opposant, l’indiscipliné, l’infracteur ou le pécheur. Ensuite, la compensation financière, qui taxe le dol commis. S’y ajoute la mort comme peine expiatoire du larron repenti sur l’échafaud, puisque, selon Jean Bodin, juger en « dernier ressort » de la vie ou de la mort d’un individu « est et a toujours été l’un des principaux droits de la souveraineté ».3 Finalement, croissant durant l’époque moderne, appliqué dans les maisons de force, les galères et les premiers bagnes, pour devenir la modalité pénale universelle entre la fin du XVIIIe siècle et le code pénal de 1791, l’enfermement - disciplinaire puis carcéral - qui neutralise momentanément (mais aussi à vie) le vagabond « inutile au monde » puis l’homo criminalis. Pensée et édifiée
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21
avril 2014
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