bandeau art philo
jeudi, 08 mai 2014 11:11

Un péplum en toc

Toutankhamon, son tombeau et ses trésors, jusqu'au 12 janvier 2014, à Palexpo, Genève - www.toutankhamon.ch

Opus One, connu pour ses concerts à l'Arena, propose une « reconstitution spectaculaire », grandeur nature, des chambres funéraires de Toutankhamon et de ses trésors, à Genève. La reprise d'un show pharaonique parti de Zurich en 2008 pour un tour européen et présenté comme la grande aventure de l'archéologie mondiale.


Conçu à l'origine par Semmel Concerts GmbH, une société allemande productrice d'événements, l'exposition se veut « un spectacle sans barrière », qui « plonge le visiteur au centre du tombeau de Toutankhamon ». Sauf que les mille pièces originales ne sont pas ou plus transportables aujourd'hui. D'où l'idée de tout reconstituer aussi scientifiquement que possible et de le faire fabriquer en Egypte. L'opération a pris 5 ans et a coûté plus 5 millions d'Euros. Les 4 millions de spectateurs annoncés depuis sa création n'ont pas fait baisser le prix d'entrée à Genève. [1] Un peu cher pour du toc en stock.
Wolfgang Wettengel, codirecteur scientifique de l'exposition, s'en défend : « Cette démarche n'est pas nouvelle. » Et de citer les répliques exposées dans certains musées, comme au British Museum, aux côtés de pièces originales, pour des raisons de conservation. Voilà qui nous ramène aux copies des guerriers chinois en terre cuite de l'empereur Qin, présentées au Grand Passage en son temps, mais c'était alors gratuit.L'exposition insiste sur la formidable quantité d'or et d'objets précieux trouvés dans les chambres funéraires du pharaon. De quoi faire travailler l'imagination et l'esprit collectionneur. 
Mais qu'avait découvert Howard Carter, jeune dessinateur londonien autodidacte, de venu fouilleur de tombe et archéologue ? « Une tombe de fortune » pour un roi-enfant éphémère, « trop petite et, de surcroît, pillée dès l'Antiquité », juste après l'inhumation, écrit l'égyptologue liégeois Dimitri Laboury.[2] Howard Carter le savait. Sponsoring et notoriété obligent, il n'en affirmait pas moins l'inviolabilité de la sépulture, différente d'ailleurs de son actuelle mise en scène. 
Comme le souligne l'archéologue français Philippe Jockey, Carter est resté « la figure la plus médiatique de cette archéologie-chasse au trésor ».[3] Rappelons avec l'égyptologue Sir Williams Petrie, qui initia Carter, que « loin de la chasse au bel objet pour les musées ou le collectionneur, l'archéologie, en tant que discipline scientifique, trouve son véritable trésor dans l'information historique que renferment les vestiges du passé ».[4]

[1] - 22 fr. en semaine et 25 fr. le week-end.

[2] • In Dossier « Toutankhamon » du magazine Culture de l'Université de Liège, www.culture. ulg.ac.be.

[3] • L'Archéologie, Paris, Le Cavalier Bleu 2008, p. 78.

[4] • In Culture, op. cit.

Lu 2730 fois