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mercredi, 10 juin 2020 15:13

Vers une dictature en Pologne

Je vous félicite et remercie pour l’article de M. Raphaël Zbiden (cath.ch) La croisade homophobe en Pologne. Tout ce qu’il a écrit, c’est la pure vérité. Malheureusement les médias ne remarquent pas ce problème ou ne trouvent pas nécessaire d’écrire à ce sujet. J’aimerais vous écrire quelque chose sur la situation politique dans mon ancien pays, la Pologne, que j’ai quitté au temps du communisme. J’ai obtenu l’asile politique et trouvé une nouvelle patrie où je suis un fier citoyen de la Ville de Genève, mais je suis aussi toujours citoyen polonais.
Je vous écris parce que vous êtes une revue catholique et -contrairement à l’Église polonaise- une revue ouverte, libérale et progressiste. Vous écrivez dans un pays laïc et la laïcité est pour moi la condition sine qua non de la liberté et de la démocratie. La Suisse et la Pologne sont membres du Conseil de l’Europe, qui veille sur le respect des droits de l’homme. Or qu’est-ce qui se passe en Pologne? Il n’y a pas que l’homophobie. On y démonte l’État de droit et l’état social.

Une république de copains

 La corruption est rampante. Les affaires scandaleuses permettent aux politiciens de s’enrichir fabuleusement pendant la pandémie de Covid-19 grâce au commerce de masques et de respirateurs. Le frère du ministre de la Santé a gagné avec ses sales affaires au moins 140 millions euro. Dans un pays normal, tout le gouvernement devrait démissionner. Mais en Pologne, ce sont des vaches sacrées. Impunité totale.
Le pouvoir exécutif est détenu par Jaroslaw Kaczynski, président du PiS, le parti au pouvoir. Formellement, il est seulement un député, mais c’est lui qui tire les ficelles. Le président de la République Andrzej Duda et le Premier ministre Mateusz Morawiecki sont de simples marionnettes, des stylos à billes pour M. Kaczynski.
Le pouvoir a été élu malgré que l’opposition ait obtenu plus de voix. Mais les voix ont été calculés selon la méthode de scrutin proportionnel d’Hondt. La chose s’est aussi produite aux États-Unis où Madame Hilary Clinton avait obtenu plus de voix que Donald Trump.
Le gouvernement -ou plutôt la clique au pouvoir- poursuit la politique visant à subordonner l’État au parti au pouvoir. La justice est pratiquement dans les mains sales des mafiosi, une bonne partie des médias aussi. L’instruction publique sert à un endoctrinement pur et simple. Les gouvernements locaux, les universités et les institutions culturelles résistent encore, mais pour combien de temps?

L'appui de l’Église

Il faut encore souligner que cette misérable équipe au pouvoir jouit du plein appui et support de l’Église catholique de Pologne (peut-être avec quelques rares exceptions). Cette Église est ultraconservatrice et ultra-réactionaire. Comme le gouvernement, elle lutte contre les droits des minorités comme les LGBT, les athées, les francs-maçons, ainsi que contre l’avortement, la contraception et l’insémination in vitro -tout ça avec un énorme contraste par rapport à ce qui se passe au Vatican et à l’Ouest. L’Église polonaise et la droite cléricale rêvent d’un État national-catholique et ne s’en cachent pas. Quelle chance que je vive dans un pays laïc et neutre où personne n’a peur des prêtres ou des évêques!
Tous ces politiciens au pouvoir se déclarent très catholiques et manifestent leur catholicisme ostentatoirement, sans la moindre vergogne. Et les monseigneurs les bénissent, comme à l’époque les évêques espagnoles bénissaient Franco. La clique qui s’appelle "gouvernement" viole régulièrement les lois et la constitution. Et ne tient pas compte des protestations de l’opposition et d’une bonne partie du peuple. Ils ne cherchent aucun compromis, aucun consensus. Ils ont voulu d’ailleurs maintenir pendant l’épidémie du covid les élections présidentielles. 〈Le scrutin a finalement été reporté: nd.l.r.〉. La Pologne s’approche à grands pas de ce qu’il y a déjà en Hongrie et en Turquie, des pays que l’on ne peut plus appeler démocratiques mais totalitaires ou presque totalitaires. La Pologne, qui a souffert 45 sous une dictature communiste, dégringole vers une dictature nationale-catholique. En tant que catholique ouvert, libéral et progressiste, je ne peux pas me taire. C’est mon devoir du citoyen de protester et d’ouvrir les yeux des autres afin qu’ils protestent aussi.

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