C'est le destin de toute pensée, de toute philosophie de vieillir. Celle de Sartre, supposet-
on, aurait vieilli à grande vitesse. La chute du Mur, l'effondrement du monde communiste
auraient en quelque sorte invalidé ou «délégitimé» l'essentiel de son oeuvre. Exit
Sartre, frappé de nullité par l'histoire. Il y a quelque chose de vrai dans ce triste destin
posthume. La fin de la guerre froide a accéléré le processus de mise en question de la
pensée sartrienne. Elle a imposé, à peine dix ans après la mort de l'écrivain, un changement
radical de perspective sur ce qu'il a laissé. Ce retournement a accéléré les
réexamens et réévaluations que subit toute oeuvre. Mais cela ne veut pas dire que celle
de Sartre vieillisse plus vite qu'une autre. Après tout, un réexamen peut être le point de
départ d'une nouvelle jeunesse. Prendre ses distances n'est pas enterrer.