Parmi nous se trouvaient plusieurs évêques aussi. Nous voulions témoigner ainsi de notre solidarité avec les gens de ce pays qui espèrent en un avenir démocratique.
Si on peut facilement instaurer des mécanismes démocratiques, on peut tout aussi facilement les manipuler et les renverser. Or les citoyens voulaient vraiment cette fois participer au processus en cours, faire entendre leur voix en votant.
Au matin de la journée de votes, des milliers de personnes se tenaient devant l'entrée des tentes, aux abords de Mbare. Accompagné de deux religieuses, nous passions d'un local de vote à l'autre pour observer comment on traitait les votants (à plusieurs reprises certains étaient refusés, souvent pour des raisons uniquement administratives).
La « victoire » annoncée de la vieille garde doit nous donner à penser. Il y a des conditions spirituelles à remplir en amont pourréaliser une démocratie, pour assurer une conduite responsable du pays : le respect de la dignité de chaque citoyen, sans discrimination de sexe, de formation, d'origine ou de situation économique (ce qui finalement fonde notre conception de l'homme à l'image de Dieu) ; la tolérance pour l'adversaire politique (amour de l'ennemi Mt 5,44) ; la disposition des candidats à servir le bien commun, le cas échéant à s'engager utilement dans l'opposition.
En tant qu’Eglise, nous devons admettre que tant que nous ne pratiquons pas ces vertus, les conditions préliminaires morales indispensables à un système étatique démocratique ne seront pas atteintes. Bien des soi-disantes « élites du pays » sont issues de nos écoles confessionnelles. Comment la classe politique peut-elle nous enfermer dans un tissu de mensonges et fêter une victoire qui sort de la « cuisine du diable » et sent la confusion des langues ?
Ces conditions marquées « du Royaume de l'Esprit » sont évidemment tout autant indispensables dans les pays démocratiques, si l'on ne veut pas voir la participation à la vie publique s'amoindrir et l'aspiration au bien commun s'étioler.