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mardi, 19 juin 2018 13:54

COE, 70 ans de recherche d'unité salués par le pape

chapelleChapelle œcuménique du COE © WCCLe 21 juin, le pape François se rendra au Conseil œcuménique des Églises (COE) du Grand-Saconnex pour fêter les 70 ans de cette communauté, dont la première assemblée s’est tenue à Amsterdam en 1948. Par cette visite, le pape salue et soutient le travail incomparable du COE pour l’unité de l’Église en tant que signe annonciateur de l’unité de l’humanité et de toute la création.
Cette célébration est l’occasion de revenir sur les accomplissements du COE et sur les défis affrontés par cette communauté, qui comprend désormais 350 Églises du monde entier, principalement de confessions orthodoxe, anglicane et protestante.

Justice et paix

Dans un monde si tragiquement divisé, le COE soutient les Églises qui œuvrent ensemble pour la justice et la paix et qui appellent à l’unité chrétienne et au renouvellement de leur témoignage commun de l'Évangile de la vie. Les communautés membres du COE confessent «Jésus-Christ en tant que Dieu et Sauveur selon les saintes écritures et, dès lors, affirment leur vocation commune à la gloire d’un seul Dieu, Père, Fils et Esprit saint».

Fondé à la fin de la Seconde Guerre mondiale, le COE a contribué à la réconciliation et à la paix en Europe et dans un monde postcolonial. Au regard de la longue histoire de divisions et de condamnations mutuelles au sein des Églises, force est de constater que le mouvement œcuménique qui a abouti à la formation du COE a accompli bien des choses en peu de temps. C’est ainsi que la Commission Foi et Constitution a présenté deux textes de convergence: le premier en 1982, Baptême, Eucharistie, Ministère (BEM), et le second en 2013, L’Église. Vers une vision commune. Le BEM a influencé l’instauration de nombreux dialogues bilatéraux entre les Églises et établi un socle commun pour de futures constructions.

La Commission pour la mission dans le monde et l’évangélisme a fait avancer la compréhension de la mission de Dieu dans le monde (mission dei) et construit de nouvelles relations au sein de toutes les traditions chrétiennes. Le rôle du COE dans la lutte contre la ségrégation raciale et l’apartheid en Afrique du Sud a été salué par le président Nelson Mandela et d’autres dirigeants. Dès 1974, le COE a mis au point sa vision d’une société juste, participative et durable, en y intégrant les dimensions de justice sociale et écologique.

L’unité dans la diversité

À n’en pas douter, les accomplissements sont nombreux. Mais nous savons également que nous ne sommes qu’au début de cette tâche immense qu’est la création d’une culture commune de paix et de justice: une unité des Églises et de l’humanité qui embrasse la diversité des contextes et traditions au niveau local.

En entrant dans le hall de conférence du COE Willem Visser’t Hooft, du nom de son premier secrétaire général, le pape verra devant lui une énorme tapisserie recouvrant le mur. Elle montre le Christ ressuscité dans la mandorle, avec une colombe indiquant la présence du Saint-Esprit, et des rayons de lumière qui rappellent le pouvoir du créateur.tapisserie

Cette image de la Trinité est associée à une scène qui se déroule dans les deux derniers chapitres du Livre des révélations. Deux rivières où coule l’eau de la vie de chaque côté de l’image, et deux arbres de la vie dont le feuillage sert à la guérison des nations à leurs côtés. Ils encadrent l’image centrale de la tapisserie qui montre des églises de différentes formes et styles d’architecture, chacune reflétant sa culture locale. Entre elles sont insérés les mots grecs du chapitre 17,21 de l’Évangile selon saint Jean: ina pantes hen osin (que tous soient un: l’unité dans la diversité).

Cette tapisserie capte parfaitement la vision œcuménique du règne de Dieu, qui sera un règne de vie, de justice et de paix, et non d’uniformité et de structures rigides. Telle était et telle demeure la vision qui vivifie les membres des Églises du COE dans leur cheminement commun.

Un pèlerinage de vie

À la suite de son assemblée tenue en 2013 à Busan, le COE parle de ce cheminement commun et de tous ses travaux comme d’un «pèlerinage de justice et de paix». Ce qui est une autre façon d’exprimer la mission de Dieu dans le monde, une mission qui s’est pleinement réalisée par l’incarnation de Jésus-Christ, sa mort sur la croix et sa résurrection, et qui continue à s’adresser à toute forme de vie à travers l’Esprit saint. Dès lors, ce pèlerinage de justice et de paix est le propre pèlerinage de justice et de paix de Dieu sur la Terre.

Vues ainsi, l’unité, la justice et la paix sont les fruits de la grâce et de l’amour de Dieu pour ce monde, et non notre œuvre. Le psaume 85,11 où justice et paix s’embrassent dans leur cheminement à travers le temps et l’espace reflète parfaitement cette dimension. Nous sommes invités à participer à ce mouvement de Dieu, shalom.

Cette vision de l’Église et de son témoignage dans le monde semble parfaitement épouser les réflexions personnelles du pape François sur l’Église en chemin, qui est celui de sa présence à la périphérie, aux côtés des marginalisés et des exclus, comme nous pouvons le voir dans ses écrits et ses prêches. L’unité n’est pas une question abstraite, mais bien plutôt une qualité des relations qui s’épanouissent quand nous avançons ensemble dans cette voie en tant que chrétiens.

Un chemin qui demande du soin

Plus de 200 participants à la réunion du Comité central du COE (son organe directeur) attendront le pape dans la chapelle œcuménique pour une prière commune, sous la devise «Cheminer, prier et travailler ensemble». Ces représentants des Églises membres se réjouissent. Leurs attentes sont grandes: cette visite est une affirmation de l’unité du mouvement œcuménique que l’Église catholique a rejoint lors du concile Vatican II. Depuis lors, le pape Jean-Paul II et Benoît XVI ont confirmé l’engagement irrévocable de l’Église en faveur de l’œcuménisme.

Des amis catholiques m’ont dit que le pape choisit très soigneusement les lieux de ses visites. Naturellement, il reçoit d’innombrables demandes de la part de gouvernements, de conférences épiscopales nationales et autres. Selon eux, l’un des critères les plus importants pour choisir parmi ces nombreuses invitations est de savoir qui a le plus besoin d’attention et d’accompagnement. Ce qui pourrait expliquer pourquoi le pape François consacrera davantage sa visite au COE et non à Genève, ville internationale avec toutes ses missions et organisations permanentes de l’ONU.

L’engagement de l’Église en faveur de l’unité se trouve affaibli par la tendance actuelle à la fragmentation et au rejet de «l’autre» qui sape la foi en l’avenir, c’est-à-dire l’espérance de nombreux peuples. Trop de personnes sont déçues par la lenteur des progrès en matière de dialogue sur les questions de doctrine. Peut-être peuvent-elles trouver de l’espoir dans les réalisations concrètes de coopération entre les Églises; par exemple dans leur appui pour les migrants et des réfugiés. Ces réalisations indiquent que les Églises prennent véritablement la prière du Christ au sérieux.

Dans un tel contexte, le soutien de l’œcuménisme est un antidote au désespoir. L’encouragement et l’inspiration pour une coopération œcuménique aux niveaux local, national, régional et international seront probablement les conséquences les plus importantes de la visite du pape à Genève.


MartinRobra WCC CFossatiM. Robra © C. Fossati/choisirMartin Robra est un théologien et pasteur luthérien de l’Église évangélique de Westphalie (Allemagne). Il occupe des fonctions dirigeantes au sein du COE depuis 1995. Il a travaillé sur les questions d’éthique et d’environnement, et est engagé actuellement dans les relations entre les Réformés et l’Église catholique romaine.

En mai 2017, sur invitation de choisir, Martin Robra avait présenté les relations entre l’Église catholique et le COE aux rédacteurs en chef des revues culturelles jésuites européennes, réunis au domaine de Notre-Dame de la Route, à Fribourg. L’année 2017 étant celle de la commémoration des 500 ans de la Réforme, le sujet s’imposait. Le Révérend Robra s’était alors appuyé sur des événements récents pour décrire les dimensions-clés du dialogue œcuménique et interreligieux: la commémoration des 500 ans de la Réforme en présence du pape, à Lund, en 2016, la Conférence mondiale de la Mission en 2018 en Tanzanie, l’invitation à célébrer ensemble la Journée mondiale de la prière pour le soin de la Création, ou encore la réunion interreligieuse au Caire à l’invitation du Grand Imam d’Al Azhar, Mohammad al Tayeb. «Ces quatre événements représentent l’unité, la mission, la justice, la paix et le dialogue interreligieux», avait-il commenté.MartinRobra2Conférence de M. Robra, mai 2017. © C. Fossati/choisir

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