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André Liebich

PaderewskiPaderewski © Studio Hartsook, San Francisco, coll. Musée Paderewski, MorgesLe pianiste Jan Ignacy Paderewski (1860-1941) s’était installé en 1897 sur les rives du Léman, à Morges. Après la Première Guerre mondiale, la Pologne lui demande de constituer un gouvernement d’union nationale auprès de Józef Piłsudski, alors chef d’État. Moins d’un an plus tard, Paderewski démissionne. C’est qu’outre leurs origines et leur patriotisme les deux hommes ne partagent pas du tout la même vision politique.

À l’occasion d’une exposition au Château de Morges, conçue autour de cette année polonaise 1919 et mettant à l’honneur Paderewski, André Liebich, professeur honoraire d’histoire et politique internationales à l’IHEID, rappelle les visées de Jan Ignacy Paderewski et Józef Piłsudski, ces deux pères fondateurs de la Pologne ressuscitée en 1918, également vénérés dans la Pologne actuelle, mais que tout opposait.

Le refus affiché par la Hongrie, la Pologne, la République tchèque et la Slovaquie d’accueillir des réfugiés d’autres continents a choqué l’Occident. Et démontré, si c’était encore nécessaire, l’existence d’un fossé culturel entre l’Est et l’Ouest. Une différence de fond qui s’explique par l’histoire.[1]

On aurait pensé que les quatre nouveaux membres de l’Union européenne en Europe centrale (la Hongrie, la Pologne, la République tchèque et la Slovaquie) avaient toutes les raisons pour accueillir les réfugiés qui frappent à leur porte. Nombreux sont ceux qui se souviennent qu’après l’insurrection hongroise de 1956, le monde a reçu 200 000 réfugiés, soit 2 % de la population du pays ; le même nombre de Tchécoslovaques a fui après l’écrasement du Printemps de Prague en 1968 ; et 250 000 Polonais ont trouvé refuge à l’Ouest après la proclamation de la loi martiale en 1981, qui a mis fin à l’expérience de la fédération de syndicats Solidarność (solidarité en polonais). Et pourtant ces pays se renferment face aux nouveaux malheureux issus d’Asie et d’Afrique, au point d’ériger des murs et des barbelés, à l’instar de ceux qu’ils ont eux-mêmes connus dans le passé et qu’ils ont défait en signe joyeux d’une nouvelle époque, celle où ils ont pu rejoindre l’Europe.