Vous avez publié une interview de l’ex-ministre Luc Ferry qui contient une contre-vérité historique, à savoir que la laïcité aurait été le seul moyen de mettre un terme aux conflits confessionnels. C’est ignorer que la Constitution fédérale de 1848 a donné à la Suisse les moyens d’éviter ces conflits en laissant aux cantons le soin de trouver une solution respectant leur histoire et leur culture pour légiférer en matière de relations Églises-État. J'écris aux pages 40-41 de mon livre La religion visible, Pratiques et croyances en Suisse (Lausanne, Presses polytechniques et universitaires romandes 2010): «Le 19e siècle a donc consacré un système juridique fixant des relations subtiles Églises-État. Au plan fédéral, la liberté religieuse est reconnue. Elle autorise les communautés religieuses à s'organiser, mais la Confédération n'entretient pas de relations directes avec elles. (...) Quant aux cantons, ils fixent les modalités de ces relations. 26 systèmes ont été ainsi mis en place allant de «l’Église d’État» à la séparation entre les deux entités, comme à Genève et Neuchâtel. Le caractère particulier de chaque système reflète l'histoire du canton, en particulier son histoire confessionnelle. Compte tenu des positions théologiques très différentes des protestants et des catholiques sur le rôle et statut de l’État, ces relations sont beaucoup plus étroites dans les cantons protestants, l'exemple de Berne en est le témoin, que dans les cantons catholiques. Dans ces derniers, pour ménager l'autorité de l'évêque et ne pas s'attirer les foudres du Vatican, l’État de mêle moins formellement des activités de l’Église dominante.»
Le fédéralisme suisse fait de notre pays le mini représentant des différentes modalités de la laïcité en vigueur en Europe et de l’adaptation des régimes juridiques aux réalités sociales.
Dire que la religion est l'objet d'une médiation n'a rien d'une affirmation révolutionnaire. La religion s'est toujours transmise par une médiation qu'elle soit orale, écrite, imprimée ou celle aujourd'hui des médias électroniques. L'élément incontestablement nouveau qui caractérise la situation contemporaine est la capacité «des médias modernes d'offrir des moyens illimités de manipulation symbolique au travers d'images et de représentations permettant de renouveler indéfiniment la narration».1 La question qui se pose, dès lors, est de savoir quels effets ont ces moyens illimités ?