Le ressentiment amalgame la rancune et l’animosité envers ce qui est désigné comme la source d’un préjudice, d’un mal subi, d’une humiliation réelle ou ressentie, d’une injustice. Au plan individuel, le ressentiment embrase la jalousie et les conflits, affermit l’agressivité, décuple la haine. Collectivement, le ressentiment attise les griefs contre les institutions, le régime politique, les étrangers identifiés à l’altérité inassimilable. Des prophètes populistes et des dirigeants messianiques instrumentalisent le ressentiment pour mobiliser les foules dans l’intolérance confessionnelle, la revanche politique contre les «privilégiés», la dénonciation de «boucs-émissaires», la brutalisation sociale, le nationalisme belliciste, la xénophobie, le durcissement identitaire.
Guerres de religion, révolutions, régimes autoritaires et totalitaires, conflits mondiaux, Shoah: maintes fois, le ressentiment a mis le monde au bord de l’«apocalypse» et du «désapprentissage de la civilisation», comme l’illustrent au XXe siècle, après la saignée de la Grande Guerre, la «révolution» fasciste en Italie, le stalinisme, le joug antisémite du nazisme exterminateur, les effrayantes guerres coloniales.
Désarroi politique et social, émotion individuelle et émoi collectif: l’assemblage de griefs antilibéraux instaure aujourd’hui l’offensive autoritaire contre la modernité démocratique héritée des Lumières et les droits individuels dans la vie privée. Comment saisir autrement le tournant conservateur de la Cour suprême qui «attaque les piliers progressistes des États-Unis»? Quel périmètre au ressentiment anti-démocratique dans la guerre Russe en Ukraine? À l’orée d’un monde globalisé empli de nouveaux périls militaires, antilibéraux, climatiques et pandémiques, comment la démocratie peut-elle combattre la culture politique du ressentiment qui la sape?
Michel Porret est un historien genevois dont les travaux portent sur le Siècle des Lumières, l'État, le droit de punir, la culture juridique et l'histoire culturelle de la bande dessinée. Il a été professeur ordinaire d'histoire moderne à l'Université de Genève de novembre 2003 jusqu'à la fin 2020.
Quatre conférenciers sont attendus: Ivan Krastev, politologue et journaliste bulgare, Anne Nivat, politologue et journaliste française, Barbara Stiegler, philosophe française, et Antonio Scurati, écrivain italien. Leurs exposés seront suivis à chaque fois d'une discussion avec deux intervenant·es extérieur·es.
Lucienne Bittar, rédactrice de choisir, participera à ces regards croisés à la suite de la conférence de Barbara Stiegler, professeur de philosophie à l’Université Bordeaux Montaigne et membre de l’Institut universitaire de France:
Le ressentiment: structure grammaticale ou pulsion populaire? À propos de la démocratie et de ses ennemis
mercredi 28 septembre, à 18h30, Uni Dufour, auditoire Jean Piaget
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