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mardi, 04 août 2015 11:12

La figure de l’évêque selon le pape François

moutonsA l’ouverture de la 68e Assemblée de la Conférence épiscopale italienne, le 18 mai passé, le pape François a demandé aux évêques de ne pas être des « pilotes », mais plutôt des vrais « pasteurs » [PAPE FRANCOIS, Discours à la 68° Assemblée générale de la Conférence épiscopale italienne, 18 mai 2015]. A plusieurs reprises, le Pontife a appelé à être « évêques pasteurs, et non princes », en utilisant des images qui étaient déjà siennes au temps où il était en charge de son ancien diocèse.

En 2006, en donnant les Exercices spirituels aux évêques espagnols, dans le discours introductif sur le Magnificat, il parlait de « se croire les administrateurs, non les propriétaires, humbles serviteurs comme Notre Dame, non des princes ». Et il concluait les Exercices en disant dans la méditation sur le « Seigneur qui nous réforme », que « les gens veulent un pasteur, non un personnage habile qui se perd dans les embellissements de la mode » [PAPE FRANCOIS - J. M. BERGOGLIO, En Lui seul l’espérance. Exercices spirituels aux évêques espagnols (15-22 janvier 2006), Madrid, BAC, 2013].
Cette option pastorale n’est pas exclusive pour les évêques, mais aussi pour tout «disciple missionnaire », chacun dans son état et condition. Dans l’Exhortation Evangelii Gaudium, le pape affirme ceci : « Il est donc clair que Jésus-Christ ne nous veut pas en princes qui regardent dédaigneusement, mais en hommes et femmes du peuple. Ce n’est pas l’option d’un pape ni une option pastorale parmi tant d’autres possibles ; c’est une indication très claire, directe et sans appel de la Parole de Dieu, indication qui n’a pas besoin d’interprétations lui ôtant sa force interpellante. Vivons-la sans commentaires » (n. 271).
L’image « pasteurs, non princes », que certains medias vulgarisent comme un reproche aux évêques et aux prêtres, n’évoque pas nécessairement un mépris : c’est quelque chose de plus profond. Elle fait référence au discernement d’un changement d’époque, et plus profondément encore, elle est une invitation à ce qu’aucun évêque, aucun prêtre ne se laisse voler la joie d’être pasteur [Pour la … pastorale : Cf. EG 83.] : « De cette façon, nous ferons l’expérience de la joie missionnaire de partager la vie avec le peuple fidèle à Dieu en essayant d’allumer un feu au cœur du monde » (EG 271).

Des évêques qui veillent sur leur peuple
Il y a un charisme spécifique qu’exprime le vocable même « évêque » - Episkopos en grec » sur lequel le cardinal Bergoglio a réfléchi dans le Synode de 2001 dédié à « l’évêque, serviteur de l’Evangile de Jésus-Christ pour l’espérance du monde ». Ce charisme qui est aussi une mission propre de l’évêque consiste à « veiller ». Il vaut la peine de reproduire le texte dans son entièreté.
« L’évêque est celui qui veille, garde l’espérance en veillant sur son peuple (1 P 5, 2). Une attitude spirituelle est celle de celui qui met l’accent sur la supervision du troupeau avec un “regard d’ensemble”. C’est l’épiscope qui est attentif à soigner tout ce qui maintient la cohésion du troupeau. Une autre attitude spirituelle est celle qui met l’accent sur la vigilance, en étant alerte face aux dangers. Ces deux attitudes font l’essence de la mission épiscopale et acquièrent toute leur force à partir de l’attitude que je considère plus essentielle qui consiste à veiller.
L’une des images les plus fortes de cette attitude est celle de l’Exode dans laquelle on nous dit que Yahvé veilla sur son peuple dans la nuit de Pâques, que les Israélites on appelée la nuit de la veille (Ex 12, 42). Je veux ici souligner cette profondeur que possède le fait de veiller par rapport au fait de superviser qui est plus général ou à une vigilance qui est plutôt quelque chose d’occasionnel. Superviser fait référence à la sauvegarde de la doctrine et des coutumes, par contre veiller cherche plutôt à ce qu’il y ait sel et lumière dans les cœurs. La vigilance fait référence au fait d’être alerte face à un danger imminent, tandis que veiller fait référence au fait de supporter avec patience les processus dans lesquels le Seigneur met en gestation le salut de son Peuple. Pour vigiler, il suffit d’être éveillé, astucieux, rapide. Pour veiller il faut en plus avoir de la mansuétude, de la patience et de la constance de la charité à toute épreuve. Superviser et vigiler font référence à un control nécessaire. Veiller, par contre, nous parle de l’espérance du Père miséricordieux qui veille sur la transformation des cœurs de ses fils. Le fait de veiller manifeste et consolide l’activité de l’évêque qui manifeste l’espérance “sans dénaturaliser la Croix du Christ.”
Il y a une autre image, plus proche et plus familière, mais aussi forte, liée à celle de Yahvé qui veille sur le grand exode du Peuple de l’alliance. C’est celle de saint Joseph. C’est lui qui veille sur l’Enfant et la Mère, jusque même en songe, avec la tendresse du serviteur fidèle et discret qui joue le rôle du Père. De cette veille profonde de Joseph naît ce regard d’ensemble silencieux, capable de garder son petit troupeau avec les moyens de bord, et naît aussi le regard vigilant et intelligent qui a réussi à éviter tous les périls qui guettaient l’Enfant » [M. BERGOGLIO, « Surveiller la cohésion du troupeau », Intervention dans le Synode sur « l’évêque, serviteur de l’Evangile de Jésus-Christ pour l’espérance du monde », in Osservatore Romano, 4 octobre 2001, p. 10].
Le saint Joseph dormant auquel le pape François confie ses tâches pour qu’il en rêve est l’image de l’évêque, du pasteur qui veille sur son peuple.

Des évêques qui s’abaissent et rassemblent
Des évêques qui s’abaissent vers le bas et vers tous. Par deux mouvements simples de pasteur et non de prince, le pape François nouvellement élu s’est situé dans la grande tradition de l’Eglise et du concile Vatican II et a suscité au milieu du Peuple fidèle de Dieu un nouveau dynamisme spirituel. Le Concile nous dit que « de même que le Christ s’est abaissé et a été envoyé à évangéliser les pauvres, de la même façon l’Eglise est appelée à suivre le même chemin, et c’est pourquoi elle « embrasse tous les affligés et reconnaît dans les pauvres l’image de son Fondateur pauvre et patient » (Lumen Gentium (LG) n° 8).
Lorsque le pape François a incliné la tête pour recevoir la bénédiction de son peuple et chaque fois qu’il monte sur la papamobile et fait le tour de la place, arrivant jusqu’aux extrémités (ou quand il choisit les frontières pour faire ses visites), ses mouvements nous font expérimenter, et non seulement voir, une figure possible de comme peut être un évêque au milieu de son peuple. Une figure qui ne cherche pas à « remplacer » celle des autres évêques ou papes, mais qui cherche à être un regard et une réception avec une attitude « d’amitié et de proximité » de celui qui sait découvrir « l’harmonie de l’Esprit dans la diversité des charismes », comme le même pape François a demandé à « ses prêtres » - les cardinaux -, deux jours après avoir été élu [Pape François, Audience à tous les cardinaux, 15 mars 2013].
Sa doctrine, tout comme ses gestes, exprime un abaissement et une inclusion qui sont aux antipodes de la mondanité spirituelle. Ces choses ne tirent pas leur origine en lui, c’est ce que demandait avec simplicité le Concile : « Ainsi l’Eglise, même si l’accomplissement de sa mission exige des ressources humaines, n’est pas constituée pour chercher la gloire de ce monde, mais plutôt pour prêcher l’humilité et l’abnégation par son exemple même » (LG 8).
S’il est vrai qu’il y a un jugement dur de la part des gens et des médias quand ils voient qu’un prélat a des attitudes princières, il est aussi vrai qu’il y a une grande sympathie avec n’importe quel pasteur - prêtre ou évêque - quand il s’abaisse et embrasse tout le monde. Le peuple de Dieu sent que c’est le Christ lui-même qui paît à travers ses pasteurs. Saint Augustin le disait déjà : « Loin de nous l’idée qu’il manque actuellement de bons pasteurs. Loin de nous l’idée que la miséricorde divine ait cessé d’en générer et d’en investir avec sa mission. En réalité, s’il y a de bonnes brebis, il doit y avoir aussi de bons pasteurs : les pasteurs, de fait, naissent au sein même de bonnes brebis. Pourtant, les bons pasteurs ne font pas retentir leur voix, les amis de l’Epoux se réjouissent quand ils entendent la voix de l’Epoux (Jn 3, 29). Les bons pasteurs sont tous dans l’unité, ils sont une même réalité. Quand ils paissent les brebis, c’est le Christ même qui paît à travers eux » [AUGUSTIN, Saint, Sermon sur les Pasteurs 30 in : ID., Sur le Sacerdoce, Rome-Milan, La Civiltà Cattolica/Corriere de la Sera 2014, 168].
Au terme de son Discours à la Congrégation pour les évêques, de 2014, le Saint Père se demandait : « Où pouvons-nous trouver de tels hommes ? (évêques kérygmatiques, pieux et pasteurs). Ce n’est pas facile. Existent-ils ? Comment les choisir ? (…) Je suis certain qu’ils existent, puisque le Seigneur n’abandonne pas son Eglise. Peut-être c’est nous qui ne marchons pas suffisamment dans les prairies pour les chercher. Peut-être que l’avertissement de Samuel nous est utile : « nous n’allons pas nous mettre à table avant qu’il ne vienne » (cf. 1 Sam 16,11-13). Je voudrais que cette Congrégation vive avec cette sainte inquiétude. [PAPE FRANCOIS, Discours à la Réunion de la Congrégation pour les évêques, 27 février 2014, in www.vatican.va]

Des évêques centrés sur l’essentiel
Quelles doivent être les caractéristiques de l’évêque que le pape propose comme celui dont se sert le Seigneur aujourd’hui pour sanctifier, enseigner et paître son peuple ? François les a rappelées aux évêques de la Conférence épiscopale italienne (CEI). La spiritualité de l’évêque c’est le retour à l’essentiel, à la relation personnelle avec Jésus-Christ qui nous dit : « Suis-moi » et fait de nous des « pasteurs d’une Eglise qui est surtout communauté du Ressuscité. [ID., Discours à la 66° Assemblée générale de la Conférence épiscopale italienne, 19 mai 2014]. Le pape l’avait déjà dit quelques mois auparavant, dans la réunion de la Congrégation générale pour les évêques : « Il est nécessaire de sélectionner entre les disciples de Jésus les témoins du Ressuscité. De là découle le critère essentiel pour esquisser la figure des évêques que nous voulons avoir » [ID., Discours à la Réunion de la Congrégation pour les évêques, cit., n. 4].
Et voici les deux caractéristiques de « l’évêque témoin » signalées par le pape : la première est qu’il « sait rendre présent tout ce qui est arrivé à Jésus », la deuxième est qu’il « n’est pas un témoin solitaire, mais partie intégrante de l’Eglise » [Ibid]. Et à l’Assemblée de la CEI le pape avait souligné justement « l’appartenance ecclésiale » des « pasteurs d’une Eglise qui est le Corps du Seigneur » [ID., Discours à la 66° Assemblée générale de la Conférence épiscopale italienne, cit.].
Pour mieux capter ces caractéristiques, fixons notre regard sur François lui-même. Ce n’est pas que tous les évêques doivent être comme le pape dans « son style ». Tout au contraire : il prône la diversité des charismes. « Il n’existe pas un pasteur standard pour toutes les Eglises. Le Christ connait la singularité du pasteur dont chaque Eglise a besoin pour qu’il réponde à ses besoins et l’aide à réaliser ses potentialités. Notre défi est d’entrer dans la perspective du Christ, en tenant en compte cette singularité dans les Eglises particulières » [ID., Discours à la Réunion de la Congrégation pour les évêques, cit. n. 1].
Rendre présent Jésus-Christ Ressuscité requiert que chacun se situe dans son actualité unique et intransférable, et qu’il soit fidèle à l’essentiel, harmonisant son témoignage de vie avec celui des autres témoins. Parlant de l’essentiel, il est peut-être significatif de relire, deux ans après, les premiers propos tenus par le pape François sur « l’évêque ». C’était lors de sa première bénédiction Urbi et Orbi et il y a fait quatre fois mentions : signalant le devoir du Conclave, il a dit qu’il était celui de donner un évêque à Rome ; remerciant l’accueil de la communauté diocésaine de Rome, il a dit qu’elle avait à présent son évêqu ; il a exprimé le désir de « dire une prière pour notre évêque émérite, Benoît XVI » ; et il a décrit sa propre mission en terme de processus : « Maintenant nous commençons un cheminement : évêque et Peuple » et il a mis en exergue « la prière du peuple, demandant la bénédiction pour son évêque » [ID., Première Bénédiction apostolique Urbi et Orbi, 13 mai 2013].
L’autre mention fut dans l’homélie de la messe Pro Ecclesia avec les cardinaux. Le Souverain Pontife inclut tous les pasteurs comme « disciples du Christ Crucifié » : « Quand nous cheminons sans la Croix, quand nous construisons sans la Croix et quand nous confessons un Christ sans Croix, nous ne sommes pas des disciples du Seigneur : nous sommes des mondains, nous sommes évêques, prêtres, cardinaux, papes, mais nous ne sommes pas des disciples du Seigneur »  [ID., Homélie pendant la Messe « Pour l’Eglise », 14 mars 2013]. Comme dit Lumen Gentium : « L’Eglise pérégrine entre les persécutions du monde et les consolations de Dieu, annonçant la croix et la mort du Seigneur, jusqu’à son retour (cf. 1 Cor 11,26) » (LG 8 ; cf. LG 3 ; 5 ; 42).
S’abaisser, rassembler et être centré : trois mouvements autour du Seigneur Crucifié et Ressuscité, mouvements par lesquels le Souverain Pontife invite les évêques à tracer leur image et à se positionner comme pasteurs du Peuple de Dieu.

Un évêque du concile Vatican II : oints pour oindre
Dans sa première messe chrismale comme évêque de Rome, le Saint Père a situé les pasteurs dans la tension fondamentale qui les constitue : oints pour oindre le peuple fidèle de Dieu qu’ils servent, comme dit le Concile : « Cette charge que le Seigneur a confiée aux pasteurs de son peuple est un vrai service, et dans les Saintes écritures il s’appelle de façon significative diakonia, c'est-à-dire ministère (LG 24). « Le bon prêtre on le reconnaît par la façon dont son peuple est oint ; celle-là est une preuve sans appel [ID., Homélie pendant la Messe chrismale, 28 mars 2013 (Cf. CONCILE OECUMENIQUE VATICAN II, Décret Christus Dominus (CD), nn. 12 ; 15 ; 16)]. Dans ce « pour » se concentre tout l’esprit du concile Vatican II que le pape ne dit pas « qu’il faudrait vivre », mais « qu’il est en train de vivre », avec tous les évêques, prêtres et laïcs qui se réjouissent comme des disciples missionnaires au sortir d’une mission avec lui [« Le soin des âmes doit être informé par l’esprit missionnaire, de sorte qu’il puisse atteindre tous ceux qui vivent dans la paroisse » (CD 30)].
Le caractère relationnel et dynamique de l’onction ressort des phrases simples et dépouillées de ses premières allocutions. « évêque et Peuple… nous commençons un cheminement ensemble » dans lequel « l’universalité des fidèles qu’a la sainte Onction (cf. 1 Jn 2,20-27) ne peut manquer dans sa croyance, et celle-ci exerce sa propriété essentielle à travers le sentiment surnaturel de la foi de tout le peuple, quand « de l’évêque jusqu’aux derniers des fidèles laïcs » se manifeste le sentiment universel dans le domaine de la foi et des coutumes » (LG 12).
Ce « cheminement en commun » est « synode » et motive en ces mots l’esprit synodal du concile Vatican II : « Dès les premiers siècles de l’Eglise, les évêques (…) ont rassemblé leurs forces et leurs volontés pour procurer le bien commun et le bien des Eglises particulières. Pour cette raison, furent créés des synodes (…) et des conciles pléniers (…) Ce saint Concile souhaite que les vénérables institutions des synodes et des conciles retrouvent une nouvelle vigueur » (CD 36).
Dans ce qui fait la syntonie entre le pape François et le pape Benoît XVI, les mots que Benoît a dirigés aux évêques Argentins en 2009 sont une perle, quand il parlait « de l’huile sacrée de l’onction sacerdotale » qui fait du pasteur un autre Christ « au milieu du Peuple ». A cette occasion, le pape Benoît a rappelé aux évêques et à leurs prêtres qu’ils « doivent se comporter comme celui qui sert (LG 27), sans chercher des honneurs, en gardant le « peuple de Dieu » avec « tendresse et miséricorde » [BENOIT XVI, Discours aux évêques de la Conférence épiscopale argentine dans leur visite Ad limina Apostolorum, 30 avril 2009, 2].
Cette figure de l’évêque qu’a présentée le pape Benoît aux évêques Argentins est la même que propose François à tous les évêques, pour qu’ils la vivent en plénitude en ce moment de l’histoire.

La figure pastorale de l’évêque
Dans cet esprit, il est possible de concentrer la figure de l’évêque selon le pape François en une image nettement pastorale : celle du « pasteur qui sent l’odeur de la brebis ». Cette expression ne doit pas être simplement originale, mais doit être celle qui réunit autour d’elle les autres figures que le Saint Père nous donne. La figure du pasteur qui sent l’odeur de brebis et qui montre le sourire du père [PAPE FRANCOIS, Homélie pendant la messe chrismale, 2 avril 2015. Jean Paul II avait donné un exemple similaire : « Je pense au sourire serein du pape Luciani, qui, en un mois à peine a réussi à conquérir le monde » (JEAN PAUL II, Homélie du 27 septembre 2003] attire et conduit plusieurs autres à former autour d’elle une constellation, comme s’il s’agissait d’une grande étoile pastorale.
En quoi cette perspective pastorale est-elle clé pour la figure de l’évêque ? Bergoglio en 2009 disait : « Dans le langage du Concile et de Aparecida, pastoral ne s’oppose pas à doctrinal, sinon qu’il l’inclut. La pastorale n’est pas non plus une simple application pratique contingente de la théologie. Bien au contraire, la Révélation elle-même - et par là la théologie - est pastorale dans ce sens que la Parole du salut, Parole de Dieu pour la Vie du monde. Comme dit Crispin Valenziano : “Il ne s’agit pas de superposer une pastorale à la doctrine, mais plutôt il s’agit de ne pas supprimer de la doctrine la marque constitutive pastorale originelle. Le ‘retournement anthropologique’ qu’il faut suivre en théologie sans hésitation ni perplexité est celui qui est parallèle à la doctrine ‘pastorale’ : nous les hommes, nous recevons la révélation et le salut en expérimentant la connaissance que Dieu a de notre nature et sa condescendance de pasteur envers chacune de ses brebis” [Cf. C. VALENZIANO, En veillant sur le Troupeau, Magnano (Bi), Qiqaino, 1994, 16, cité dans J.M. BERGOGLIO, L’importance de la formation académique, exposé à la Réunion plénière de la Commission pontificale pour l’Amérique Latine, 18 février 2009]. »
Et Bergoglio de continuer : « Cette conception intégrante de doctrine et de pastorale (qui a conduit à appeler Constitution - document dans lequel on donne une doctrine permanente - non seulement la dogmatique Lumen Gentium, mais aussi la pastorale Gaudium et Spes), se reflète très clairement dans le Décret sur la formation sacerdotale. Le Décret insiste sur l’importance de former des pasteurs d’âmes. Des pasteurs qui, unis à l’unique pasteur Bon et Beau (beau dans le sens qu’il conduit en attirant, non en imposant), « paissent leur brebis » (cf. Jn 21,15-17). Ce que, de fait : « L’image du Bon pasteur est l’analogatum princeps de toute la formation. En parlant de la finalité pastorale comme finalité ultime, tant le Concile qu’Aparecida entendent pastoral dans un sens éminent, non en tant qu’il se distingue des autres aspects de la formation, mais plutôt en tant qu’il les inclut tous. Il les inclut dans la Charité du Bon pasteur, vu que la Charité est la forme de toutes les vertus, comme dit saint Thomas, suivant lui-même saint Ambroise » [Ibid. Le texte de saint Thomas cité, dans l’original est : Ambrosius dicit, quod caritas est forma et mater virtutum (THOMAS D’AQUIN, Saint, De Virtutibus, 2, 3 sed contra)].
En parlant de la triple mission de l’Eglise et des évêques, le pape François suit le chemin tracé par son prédécesseur le pape Benoît XVI. Benoît avait précisé le triple munus d’une manière bien enrichie, en mettant les accents d’une nouvelle manière : « La nature intime de l’Eglise s’exprime dans une triple tâche : l’annonce de la Parole de Dieu (kerygma-martyria), la célébration des Sacrements (leiturgia) et le service de la charité (diakonia). Ce sont des tâches qui s’impliquent mutuellement et qui ne peuvent pas se séparer les unes des autres » [BENOIT XVI, Encyclique Deus Caritas est (25 décembre 2005), n. 25. Cfr aussi CD 11 et 30 ; LG 7].
Nous voyons comment en parlant de l’enseignement, Benoît XVI utilise l’expression kerygma-martyria, qui est celle qu’utilise François quand il est à la quête d’évêques kérygmatiques et témoins du Christ ressuscité. En parlant de la mission de conduire (le peuple), Benoît précise en utilisant diakonia, service de la charité, que François aussi place en premier lieu [« De la même façon que l’Eglise est de nature missionnaire, de cette même façon surgit de cette même nature la charité effective envers le prochain, la compassion qui comprend, qui assiste et qui promeut » (EG 179)]. Celui-ci était un aspect qui était relégué en troisième position dirions-nous comme tâche épiscopale, alors qu’elle est tout aussi essentielle que les autres. Benoît disait : « Pour l’Eglise, la charité n’est pas une espèce d’activité d’assistance sociale qu’on pourrait laisser aux autres, sinon qu’elle appartient à sa nature et qu’elle est une manifestation importante de son essence » [BENOIT XVI, Encyclique Deus Caritas est, n. 25]. La vision de Benoît XVI, en écrivant ses encycliques, était que le monde avait besoin qu’on lui parle de la Charité. Et la charité justement a « l’odeur des brebis ».

Des pasteurs sentant l’odeur des brebis avec le sourire des pères
Le pape François ne mâche pas ses mots en parlant des « péchés des pasteurs, s’incluant lui-même ainsi que toute la Curie, à un monde comme le nôtre dans lequel le « sens du péché » a diminué. Mais sans doute, si nous observons bien, sa phrase la plus emblématique sur les pasteurs, celle qui a touché le plus profondément le cœur de tous, curieusement ce ne fut pas pour le côté de ‘l’étique’ qu’elle s’impose, mais plutôt sur le côté de ‘l’esthétique’ qu’elle attire irrésistiblement. Sa phrase sublime fut : je veux des « pasteurs sentant l’odeur des brebis »… « et avec le sourire du père » a-t-il ajouté le dernier Jeudi saint. Telle est la figure de l’évêque qu’a dans le cœur François. Et c’est la même pour les prêtres, les cardinaux, et pour le pape lui-même : des pasteurs qui non seulement se vêtissent de la laine des brebis, mais plutôt qui sont « passionnés » pour servir les mêmes brebis [Cf. D. FARES, « Pais mon troupeau », dans AUGUSTIN, Saint., Sur le Sacerdoce, cit., VI].
Comme nous voyons, plus qu’une figure de l’évêque, il s’agit d’une odeur. Une odeur qui, comme toute odeur forte, évoque clairement beaucoup d’images, mais la principale, celle qui doit se « lire sans commentaire » (EG 271), celle qui doit « sentir » est, sans aucun doute, celle des pasteurs qui paissent les brebis et non qui se paissent eux-mêmes. Liée à l’image de « pasteur sentant l’odeur de la brebis », la Parabole du Bon pasteur si souvent écoutée et peu concrétisée, nous a pénétrés avec la force d’une brise fraîche qui nous a réveillés de la torpeur des idéologies et des routines, et nous a mis de nouveau sur le chemin, nous insufflant une ardeur évangélique. L’odeur de la brebis s’attache au pasteur quand il est au milieu de son peuple. Il n’y a aucune manière de la créer en laboratoire. Et elle ne se colle pas au pasteur juste quand il s’approche du troupeau, mais c’est sa propre odeur qui lui rappelle que le peuple qu’il paît est le même dont il a été tiré lui-même.
« L’odeur de la brebis » rassemble les thèmes bergogliens de l’onction, de la veille, de la garde, du discernement, de la promptitude à alimenter le troupeau avec une saine doctrine et à le défendre des ennemis, des loups qui revêtent la peau des brebis, mais qui ne peuvent pas dissimuler leur « odeur de loup ». Ainsi, le sens spirituel de l’odorat permet à l’évêque de découvrir et refuser la tentation de la mondanité spirituelle, avec ses parfums sophistiqués, et lui donne un critère de discernement « olfactif », pour maintenir l’appartenance du troupeau dont il a été tiré et pour être reconnus par les brebis et qu’ils ne se perdent pas.

Des évêques qui prient avec leur peuple
La prière personnelle et la prière liturgique du pasteur, dans la vision du souverain Pontife actuel, ne sont pas - comme ne l’est pas non plus l’onction - quelque chose pour parfumer sa personne, mais plutôt quelque chose qui se déverse et atteint les périphéries, comme l’huile qui descend de la tête d’Aaron et se déverse jusque sur la frange de son vêtement [PAPE FRANCOIS, Homélie pendant la Messe chrismale, 28 mars 2013]. Pour cette raison, la prière du pasteur à laquelle il fait référence est toujours pleine de visages concrets, et ce qu’il fait monter « comme un encens direct au cœur du Père, c’est la fatigue du travail pastoral », image que le Souverain Pontife a fait sentir comme une caresse de Dieu aux prêtres dans la dernière messe chrismale. On peut retracer la figure de l’évêque qui prie, regardant d’abord comment, lui-même centré dans le Christ, transcende dans le service à son peuple, pour tirer de là certains traits de la manière dont il peut être sa transcendance vers Dieu, sa sainteté et sa prière personnelle : « La même patience et liberté de parole qu’il doit exercer dans la prédication de la Parole, il doit l’avoir dans la prière » [PAPE FRANCOIS, Homélie pendant la Messe chrismale, 28 mars 2013].
Cette spiritualité qui surgit de l’action pastorale concrète est la même que recommandait de manière insistante à ses pasteurs Jean Paul II dans Pastores dabo Vobis [JEAN PAUL II, s., Exhortation apostolique Pastores dabo vobis, 25 mars 1992, n. 23]. Il l’avait déjà mise en exergue 12 ans auparavant dans une homélie sur « La spiritualité du prêtre diocésain aujourd’hui », dans laquelle il a fait remarquer aux prêtres « la raison pastorale de leur être » : « Un prêtre, (et plus encore un évêque) qui ne saurait faire corps entièrement avec une communauté ecclésiale ne pourrait certainement pas être présenté comme un modèle valide de la vie ministérielle, celle-ci étant, comme déjà dit, une vie essentiellement insérée dans un contexte concret des relations interpersonnelles de la communauté elle-même » [ID., Homélie du 4 novembre 1980].
Pastores dabo vobis donne comme exemple le saint évêque Charles Borromée qui aimait la spiritualité des Exercices spirituels de saint Ignace. Les Exercices proposent aux pasteurs d’unir contemplation et action de la manière dont l’expliquait Pierre Favre : « En cherchant Dieu par l’Esprit dans les bonnes œuvres, on le trouve directement dans la prière, mieux que de commencer par le chercher dans la prière pour finir par le trouver par après dans l’action, comme on a souvent la tendance à faire » [Cf. P. FAVRE, Saint, Mémorial cit. nn.126-127 avec leurs notes]. Pour cela il recommandait ceci aux personnes portées vers la vie active : « Qu’elles ordonnent toutes leurs prières vers le trésor de bonnes œuvres, et non le contraire ». Cela veut dire qu’ils doivent regarder ce qu’ils doivent faire et les personnes avec lesquelles ils ont à faire, et qu’ils doivent prier en demandant les grâces dont ils ont besoin pour mener à bon terme leur charge comme le veut le Seigneur.
Saint Charles Borromée écrivait à ce sujet : « Rien n’est aussi nécessaire aux ecclésiastiques que la méditation qui précède, accompagne et suit toutes nos actions. Si tu administres les sacrements, mon frère, médite ce que tu fais. Si tu célèbres la messe, médite ce que tu offres. Si tu récites les psaumes dans le chœur, médite à qui et de quoi tu parles. Si tu conduis les âmes, médite avec quel sang elles ont été lavées ; et que tout chez-vous se fasse avec charité (1 Co 16,14) » [JEAN-PAUL II, S., Pastores dabo vobis, cit. n. 72. Dfr. CHARLES BORROMEE, s., Acte de l’Eglise de Milan, Milan 1559, 1178].
Il se fait donc que la transcendance dont parle toujours le Souverain Pontife est double : vers Dieu et ses saints, dans la prière, et vers le prochain, vers le peuple de Dieu. S’adressant aux évêques mexicains il disait: « N’abandonnez pas la prière, cet échange entre Dieu et l’évêque pour son peuple. Ne la laissez pas. Et la deuxième transcendance est la suivante: la proximité avec son peuple » [PAPE FRANCOIS, Discours aux présidents de la Conférence épiscopale de Mexique lors de leur visite « ad limina apostolorum », 19 mai 2014].
Pour cette raison, l’odeur de brebis n’est pas seulement celle des brebis terrestres, mais aussi celle des brebis qui sont déjà dans les prairies du ciel : « l’odeur agréable des brebis saintes, qu’on acquiert par le contact familier avec eux dans la prière et dans la lecture de leurs vies. Dans la figure de l’évêque que le pape a dans sa conception, l’exemple des saints, et de manière spéciale de ceux qui ont été de grands évangélisateurs, est essentiel. Les saints que le pape est en train de canoniser avec la méthodologie qui s’appelle équipollente « sont des figures de grands évangélisateurs, qui sont en syntonie avec la spiritualité et la théologie de Evangelii Gaudium. Pour cette raison j’ai choisi ces figures » [ID., Rencontre avec les journalistes pendant le vol vers Manille, 15 janvier 2015]. Ce sont des femmes et des hommes évangélisateurs aimés par leur peuple, qui se sont inculturés pour inculturer l’évangile.
Ce désir d’inculturer l’Evangile influe de manière puissante dans la prière de l’évêque évangélisateur et pasteur. Bergoglio a toujours été un évêque qui priait les saints avec son peuple, imprégné dès l’enfance par la piété populaire grâce à sa grand-mère Rose, qui lui « racontait des histoires des saints » et « l’amenait aux processions » [« Depuis que j’étais enfant, je participais dans la piété populaire » (J. CAMARA, S. PFAFFEN, Ce François, Cordoba, Raiz de Dos, 2014 31 s)]. L’image de transcendance à Dieu dans la prière que propose le pape aux évêques, s’assimile à la façon de prier et d’adorer Dieu propre au peuple fidèle. Le pape veut des évêques qui prient avec leur peuple, des évêques dont la prière est parfumée par la spiritualité et la mystique populaire.

Comprendre les métaphores du pape
L’image du pasteur à l’odeur de brebis est une image emblématique, une de celles au sujet desquelles Guardini dit qu’elles sont des images primordiales, avec un grand pouvoir évocateur [R. GUARDINI, Sur l’essence de l’œuvre d’art, dans Œuvres Choisies t. 1. Madrid, Chrétienté, 1981, 314 s]. Même si elle a été citée et utilisée jusqu’à être banalisée, elle peut donner lieu à une brève réflexion théorique en plus. C’est seulement une esquisse, une invitation à entrer dans la densité théologique, anthropologique et ontologique du langage du pape François.
En premier lieu, il faut bien apprécier l’utilisation des métaphores que fait le Souverain Pontife. Il y a des gens qui ne comprennent pas ce langage et à qui il paraît simpliste, peu approprié pour un pape, et même sans contenu théologique. Ce phénomène est très curieux et laisse à penser : que les gens le comprennent et qu’il y ait des gens cultivés qui le méprisent. Certains considèrent qu’arriver à toucher, non seulement les cœurs, mais aussi les esprits des gens ne peut qu’être du « populisme ». En est-il ainsi ? En aucun cas. La foi bien illustrée n’est pas seulement pour les esprits illustrés. Il y a une « illustration » qui vient de l’onction de l’Esprit, qui s’offre aux plus petits et les rend plus sages que les sages de cette culture (Cf. Mt 11,25-27 ; Jn 2,26-27).
Les métaphores du pape doivent être appréciées telles qu’elles se présentent : des images qui, dans une mer des mots du monde actuel, agissent comme le sifflet du pasteur que les brebis reconnaissent parfaitement et se laissent mouvoir par lui. Son langage n’est pas seulement « original » - celui d’un « latino-américain » - mais plutôt que parce qu’il est beau, il est aussi véridique et va tout droit au cœur. Et l’on peut lui appliquer ce que disait Aristote : l’utilisation des métaphores est un indice de grande intelligence. [ARISTOTE, Poétique, 1459 a 5 ss. Aristote affirmait que créer des métaphores et un « don incommunicable », mais nous pouvons tous en jouir].
Si nous contemplons de manière trinitaire la figure du pasteur sentant l’odeur des brebis et nous utilisons avec liberté ce goût qu’avaient les pères de l’Eglise comme saint Augustin en attribuant une qualité de manière plus propre à une des Personnes divines, l’odeur des brebis est propre à la Personne du Christ. C’est une « odeur christologique », odeur de l’incarnation et de la passion, des couches, de sang, de sueur de celui qui marche avec ses disciples et se voit entouré par les multitudes, odeur du lavement des pieds, odeur des bandages qui enveloppaient Lazare qui sent déjà, odeur du parfum de la femme, comme celle de Marie, qui inonde la maison, arome des fleurs des champs et du vent de la mer profonde sur laquelle il demande à Simon Pierre de ramer.
Jean Paul II affirmait que « la dimension christologique du ministère pastoral, considérée dans sa profondeur, amène à comprendre le fondement trinitaire du ministère lui-même. La vie du Christ est trinitaire (…) Cette dimension trinitaire, qui se manifeste dans toute la façon d’être et d’œuvrer du Christ, configure aussi l’être et l’agir de l’évêque. C’est donc avec raison que les Pères synodaux ont voulu illustrer explicitement la vie et le ministère de l’évêque à la lumière de l’ecclésiologie de la doctrine du concile Vatican II » [JEAN PAUL II, Exhortation apostolique Pastores gregis (16 octobre 2003), n. 7].
Cette « odeur christologique » illumine l’anthropologie du pape François et nous amène à penser à son option de prendre comme point de départ la beauté avant la vérité et le bien. C’est sa compréhension de ce dont ont besoins les oreilles des brebis aujourd’hui, saturées de définitions dogmatiques dans des discussions et des conseils moraux impossibles à suivre. Avec le beau entre le bien et après, chacun désire la vérité. Telle est la pédagogie du pasteur.
Si nous le pensons philosophiquement, l’odeur à brebis a à voir avec le beau. Un beau nettement Christologique, dans la mesure où la beauté et la gloire se manifestent sous une forme contraire, même sans exagérer, étant donné que l’odeur des brebis n’est pas désagréable au pasteur. Et si nous réfléchissons partant d’un point de vue « politique », en tenant compte les quatre principes de François, l’image olfactive de l’odeur à brebis nous rapproche au principe du tout, qui est supérieur aux parties : l’odeur des brebis est « odeur de l’onction » qui fait de la totalité du peuple fidèle de Dieu « saint et infaillible ‘in credendo’ » (EG 119). Si quelque chose possède une odeur forte, c’est parce qu’elle totalise et cause ou bien un rejet total, comme quand un aliment est en mauvais état, ou bien occasionne une attraction irrésistible comme un parfum agréable.
Cette odeur se manifeste dans « la proximité du pasteur », proximité avec tous, mais spécialement avec les malades, avec les plus pauvres et éloignés, les exclus et les rejetés. Il y a deux principes qui sont résolus uniquement dans la proximité : celui de l’unité qui est supérieure au conflit (parce que le propre du conflit est de créer la distance et l’affrontement), et celui de la réalité qui est supérieure à l’idée, parce que cela s’expérimente en descendant à la réalité, en touchant les plaies, en se laissant affecter par le prochain. Et si nous pensons à la sueur du pasteur qui marche avec ses brebis, image d’une Eglise en sortie qui est « paradigme de toute l’œuvre de l’Eglise » (EG 15 ; 17 ; 20), il nous, vient à l’esprit la conviction du fait que le temps est supérieur à l’espace, parce que le chemin il faut l’ouvrir et le parcourir, sans se laisser bloquer par les contradictions ni s’emparer des espaces. Comme le dit Evangelii Gaudium : « Donner priorité au temps c’est s’occuper d’initier des processus, plutôt que de posséder des espaces » (EG 223).
Le Pontife nous donne des leçons sur la manière d’être d’un évêque ; quand il parle aux pasteurs, il transparait qu’il a une oreille tournée vers l’Evangile et l’autre tournée vers le peuple fidèle (Cf. EG 154). Il se reflète alors à travers ses paroles, ses pauses, ses exemples, ses sourires et ses gestes, une figure profondément unifiée de ce qu’est un pasteur centré sur l’amour de Jésus et qui unit son peuple : un homme de communion.
Ceci est le centre du Discours aux évêques italiens en mai 2014. François a fait un geste significatif : il a adressé aux évêques les mots de Paul VI, dans lesquels il réclamait à la Conférence épiscopale italienne, le 14 avril 1964 : « une effusion de l’esprit d’unité » qui puisse effectuer une « animation unitaire en esprit et en actions ». Cette union est la clé pour que le monde puisse croire, pour pouvoir être « des pasteurs d’une Eglise (…) anticipation et promesse du Règne », qui entre dans le monde avec « l’éloquence des gestes » de « vérité et de miséricorde ».
Cette figure d’ « hommes de communion » pour donner de l’espérance au monde, est la dernière que nous signalons comme figure d’évêque qui met devant nous ce qu’est aujourd’hui l’évêque de Rome, l’Eglise qui « préside dans la charité sur toutes les autres Eglises » [ID., Première Bénédiction apostolique « Urbi et Orbi », cit.].
Comme le Souverain Pontife a dit aux évêques italiens le 18 mai passé, être des hommes de communion demande une « sensibilité ecclésiale » spéciale. L’onction est œuvre de l’Esprit qui travaille à travers les évêques pasteurs et non des « évêques-pilotes ». Ces pasteurs renforcent « le rôle indispensable des laïcs disposés à assumer les responsabilités qui leur reviennent ». Sa sensibilité ecclésiale « se révèle concrètement dans la collégialité et dans la communion entre les évêques et leurs prêtres, dans la communion entre les évêques eux-mêmes ; entre les diocèses riches - matériellement et vocationnellement - et ceux qui ont des difficultés ; entre les périphéries et le centre ; entre les Conférences épiscopales et les évêques avec le successeur de Pierre ».

L'auteur de cet article, Diego Fares sj, est rédacteur à La Civiltà Cattolica de Rome et ancien professeur à la Faculté philosophique et théologique de San Miguel d'Argentine.
(Cet article a été traduit de l’espagnol par Michel Rwasha sj)

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