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jeudi, 18 juin 2015 16:39

L’Eglise est appelée à protéger l’ensemble de la création

TerreLors de l’homélie prononcée au cours de la messe inaugurale de son pontificat, le 19 mars 2013, le nouveau pape François déclarait : « La protection de l’ensemble de la création … est un service auquel l’évêque de Rome est appelé. » Il suivait en cela la ligne ouverte par Paul VI déjà, qui, dans sa lettre apostolique Rerum novarum de 1971, invitait solennellement les chrétiens à envisager des chemins neufs pour « prendre en responsabilité, avec les autres hommes, un destin désormais commun ».

Ce message fondamental du pape Paul VI a largement été ignoré des décennies durant, même si la prise de conscience relative aux menaces écologiques n’a cessé de croître. Il doit être réitéré et souligné aujourd’hui, au moment où paraît l’encyclique du pape François sur l’écologie humaine. 2015 sera de fait une année décisive pour le développement durable. L’Assemblée générale des Nations Unies devra adopter en septembre une nouvelle série d’objectifs de développement durable pour la période allant jusqu’à 2030. Et lors de la Conférence de Paris de décembre, chaque gouvernement présentera ses projets et ses engagements visant à freiner ou à réduire le réchauffement climatique mondial. Ces mois de fin 2015 sont donc d’une importance cruciale pour les décisions concernant la sauvegarde de la terre et les engagements réels en faveur du développement international et de l’épanouissement humain. Avec cette encyclique Laudato Si, l’Eglise, par l’entremise du pape François, réaffirme sa propre responsabilisé en la matière.

Ecologie, paix et justice
La vision de Jean Paul II
Cette prise de conscience énoncée par Paul VI a été précisée à plusieurs reprises par Jean Paul II. Celui-ci a été le premier pape à parler des conséquences de la croissance industrielle, de la densification urbaine massive et de la croissance énorme des besoins en énergie, et à poser clairement la question écologique dans un contexte plus vaste, la liant à celle de l’environnement humain.
Dans son encyclique Sollicitudo rei socialis (SRS) du 30 décembre 1987, Jean Paul II déclare : « Il faut tenir compte de la nature de chaque être et de ses liens mutuels dans un système ordonné, qui est le cosmos. » Et il spécifie les racines bibliques de la question écologique, démontrant que « la limitation imposée par le Créateur lui-même dès le commencement, et exprimée symboliquement par l’interdiction de “manger le fruit de l’arbre” (cf. Gn 2,16-17), montre avec suffisamment de clarté que, dans le cadre de la nature visible, nous sommes soumis à des lois non seulement biologiques mais aussi morales, que l’on ne peut transgresser impunément » (SRS 34).
Et dans son Message pour la XXIIIe Journée de la paix (1er janvier 1990), entièrement centré sur le thème La paix avec Dieu créateur, la paix avec toute la création, il déclare : « La destruction progressive de la couche d’ozone et l’"effet de serre" qu’elle provoque ont atteint désormais des dimensions critiques par suite du développement constant des industries, des grandes concentrations urbaines et de la consommation d’énergie. Les déchets industriels, les gaz produits par la combustion des carburants fossiles, la déforestation incontrôlée, l’usage de certains types de désherbants, de produits réfrigérants et de combustibles de propulsion, tout cela, on le sait, nuit à l’atmosphère et à l’environnement » (Message, 6).
Jean Paul II déclare encore qu’il existe un réel « droit à la sécurité de l’environnement … qui devrait être inscrit dans une charte des droits de l’homme mise à jour ». Et c’est encore lui qui parle de « la nécessité morale urgente d’une solidarité nouvelle, particulièrement dans les rapports entre les pays en voie de développement et les pays à forte industrialisation ». Pour le pape polonais, « on ne peut demander aux pays récemment industrialisés d’appliquer à leurs jeunes industries des normes contraignantes par rapport à l’environnement, si les Etats industrialisés ne sont pas les premiers à les appliquer chez eux ». L’écologie ne peut être envisagée hors de la notion de justice.
Dans son encyclique Centesimus annus (CA) du 1er mai 1991, Jean Paul II lie ainsi la « question écologique » au problème de la consommation et de ce qu’il appelle une « erreur anthropologique » : « L’homme, saisi par le désir d’avoir et de jouir plus que par celui d’être et de croître, consomme d’une manière excessive et désordonnée les ressources de la terre et sa vie même. A l’origine de la destruction insensée du milieu naturel, il y a une erreur anthropologique, malheureusement répandue à notre époque. L’homme, qui découvre sa capacité de transformer et en un sens de créer le monde par son travail, oublie que cela s’accomplit toujours à partir du premier don originel des choses fait par Dieu. Il croit pouvoir disposer arbitrairement de la terre, en la soumettant sans mesure à sa volonté, comme si elle n’avait pas une forme et une destination antérieures que Dieu lui a données, que l’homme peut développer mais qu’il ne doit pas trahir. Au lieu de remplir son rôle de collaborateur de Dieu dans l’œuvre de la création, l’homme se substitue à Dieu et, ainsi, finit par provoquer la révolte de la nature, plus tyrannisée que gouvernée par lui. »

Ecologie et développement
Benoît XVI
Des années plus tard, le pape Benoît XVI, surnommé « le premier pape vert », s’est engagé à son tour sur cette voie, approfondissant les questions abordées par son prédécesseur. En 2007, dans son Message pour la Journée mondiale de la paix (1er janvier), le pape émérite traite ensemble trois thèmes indissociables : l’écologie de la nature, l’écologie humaine et l’écologie sociale. Il fait le lien entre la question de l’écologie et le fait que dans certaines régions de la planète existent encore des situations de grand retard, où le développement est pratiquement bloqué en raison, notamment, de la hausse des prix de l’énergie. « Que deviendront les populations de ces régions ? Quelle sorte de développement ou de non-développement leur sera imposée par la raréfaction des approvisionnements énergétiques ? Quelles injustices et quelles oppositions provoquera la course aux sources d’énergie ? Et comment réagiront les exclus de cette course ? »
Benoît XVI pose à nouveaux ces questions dans son Message pour la Journée de la paix de 2010 : « Comment demeurer indifférents face aux problématiques qui découlent de phénomènes tels que les changements climatiques, la désertification, la dégradation et la perte de productivité de vastes surfaces agricoles, la pollution des fleuves et des nappes phréatiques, l’appauvrissement de la biodiversité, l’augmentation des phénomènes naturels extrêmes, le déboisement des zones équatoriales et tropicales ? Comment négliger le phénomène grandissant de ce qu’on appelle les “réfugiés de l’environnement” ? Ces personnes qui, à cause de la dégradation de l’environnement où elles vivent, doivent l’abandonner - souvent en même temps que leurs biens - pour affronter les dangers et les inconnues d’un déplacement forcé ? Comment ne pas réagir face aux conflits réels et potentiels liés à l’accès aux ressources naturelles ? »
Assurément encore, l’encyclique Caritas in Veritate (CV) du 29 juin 2009 marque une étape essentielle de cette pensée « verte » qui rassemble de nombreux domaines : écologique, juridique, économique, politique et culturel (CV 48). En fait, « à notre époque en particulier, la nature est tellement intégrée dans les dynamiques sociales et culturelles qu’elle ne constitue presque plus une donnée indépendante » (CV 51). Benoît XVI met en garde contre l’accaparement de sources d’énergie non renouvelables et rappelle « l’urgente nécessité morale d’une solidarité renouvelée » en vue d’une « redistribution planétaire des ressources énergétiques … afin que les pays qui n’en ont pas puissent y accéder » (CV 49). Il affirme : « Il y a de la place pour tous sur la terre : la famille humaine tout entière doit y trouver les ressources nécessaires pour vivre correctement grâce à la nature elle-même, don de Dieu à ses enfants, et par l’effort de son travail et de sa créativité » (CV 50).
Le pape émérite insiste encore sur le fait que la question écologique concerne les chrétiens en tant que croyants, ainsi que l’Eglise : « L’Eglise a une responsabilité envers la création et doit la faire valoir publiquement. Ce faisant, elle doit préserver non seulement la terre, l’eau et l’air comme dons de la création appartenant à tous, elle doit surtout protéger l’homme de sa propre destruction » (CV 51). Devant le Parlement allemand, il déclare, le 22 septembre 2011 : « Je dirais que l’apparition du mouvement écologique dans la politique allemande à partir des années 70, bien que n’ayant peut-être pas ouvert tout grand les fenêtres, a toutefois été et demeure un cri qui aspire à l’air frais, un cri qui ne peut pas être ignoré ni être mis de côté, parce qu’on y entrevoit trop d’irrationalité. (…) Quand, dans notre relation avec la réalité, il y a quelque chose qui ne va pas, alors nous devons tous réfléchir sérieusement sur l’ensemble et nous sommes tous renvoyés à la question des fondements de notre culture elle-même. »

Un cri, une encyclique
Le pape François
C’est à présent au pape François de joindre la voix de l’Eglise universelle à ce cri et au débat mondial sur l’écologie, dans une vision cohérente avec celle de ses prédécesseurs : les êtres humains, la nature et l’environnement, la création et la société sont liées entre elles, et l’Eglise est appelée à protéger l’ensemble de la création, notre maison commune. Une soeur qui, écrit-il dans l’encyclique Laudato Si (LS), « crie en raison des dégâts que nous lui causons par l’utilisation irresponsable et par l’abus des biens que Dieu a déposés en elle. Nous avons grandi en pensant que nous étions ses propriétaires et ses dominateurs, autorisés à l’exploiter. La violence qu’il y a dans le coeur humain blessé par le péché se manifeste aussi à travers les symp¬tômes de maladie que nous observons dans le sol, dans l’eau, dans l’air et dans les êtres vivants. C’est pourquoi, parmi les pauvres les plus abandonnés et maltraités, se trouve notre terre opprimée et dévastée, qui “gémit en travail d’enfantement” (Rm 8, 22) » (LS 2).

Cet article se base principalement sur l’éditorial de La Civiltà Cattolica, Rome n° 3929, pp. 537-551, intitulé « CUSTODIRE L'INTERA CREAZIONE. UN SERVIZIO DEL VESCOVO DI ROMA ».

Pour lire l'encyclique en français ou la télécharger, ouvrez le document PDF attaché ici.

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