L’originalité de sa pensée a été de prêcher un Dieu humble, pauvre, fragile et discret : « Dieu est un secret », alors que l’homme se le représente souvent instinctivement comme le « tout-puissant ». A l’encontre de bien des courants théologiques, il prêcha un Dieu qui ne s’impose jamais. « Nous sommes responsables de Dieu », écrira-t-il, à l’instar d’Etty Hillesum, mystique juive qui, du camp de Westerbork, affirmait : « Je vais t’aider, mon Dieu, à ne pas t’éteindre en moi, mais je ne puis rien garantir d’avance. Une chose cependant m’apparaît de plus en plus claire, ce n’est pas toi qui peux nous aider, mais nous qui pouvons t’aider - et ce faisant nous nous aidons nous-mêmes. C’est tout ce qu’il est possible de sauver en cette époque et c’est la seule chose qui compte, un peu de toi en nous, mon Dieu… ».
L’humilité de Dieu
Maurice Zundel souscrirait pleinement à ces paroles. Pour lui, Dieu est d’abord un Dieu intérieur. Ce n’est pas un Dieu qui se démontre, mais un Dieu que l’on rencontre au cœur du silence : « Pour rencontrer l’amour au cœur de notre cœur, il faut nécessairement être à l’écoute », écrivait-il. « Pourvu que nous entrions dans ce silence infini où l’on n’est plus qu’à l’écoute du silence éternel, où l’on s’échange avec ce Dieu caché en nous qui est la respiration de notre liberté, pour devenir avec lui une présence ».
Ce silence s’étend jusqu’au « moi », lorsqu’il cesse de se regarder pour entrer en relation avec l’autre et avec le Tout-Autre. Dans le sillage trinitaire, l’homme existe lorsqu’il cesse de se regarder lui-même pour s’inscrire dans le sillage de l’altérité trinitaire où « le Père n’est qu’un regard vers le Fils, le Fils n’est qu’un regard vers le Père et l’Esprit Saint n’est qu’une relation d’amour vers le Père et le Fils ». De cette conception trinitaire découle son anthropologie : pour Zundel, l’homme s’accomplit – plus encore il « advient » – à mesure qu’il se défait de son égoïsme. Humilité de Dieu à laquelle répond l’humilité de l’homme.
L’homme du second rang
Ces intuitions spirituelles novatrices n’ont pas été comprises. Elles lui ont valu d’être constamment relégué aux marges de l’institution ecclésiale. « Maurice Zundel a toujours été l’homme du second rang, écrivait Gottfried Hammann, doyen émérite de la Faculté de théologie protestante de Neuchâtel. Au point d’en faire, au fil de sa vie, comme une ascèse indispensable à sa pensée et à sa conscience ecclésiale. Ce qu’on pourrait appeler les blessures institutionnelles, les stigmates de ses errances, lui firent dire cette parole admirable pour un catholique, incompréhensible pour un protestant : « Il vaut mieux être broyé par l’Eglise que hors de l’Eglise ».
Cette souffrance rapproche Maurice Zundel des grandes figures réformatrices de l’Eglise - de François d’Assise à Henri de Lubac. Comme elles, il a maintenu une double fidélité : à l’Eglise et à ses intuitions. Des intuitions qui se révèlent aujourd’hui prophétiques : dans un monde où la quête de l’épanouissement personnel est prépondérant, il rappelle que Dieu en est la source et le garant.
apic
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