Les paysan(ne)s des pays du Sud doivent à tout prix pouvoir produire leurs propres semences, car ils ne peuvent se permettre, lors de chaque nouvelle campagne agricole, d’acheter au prix fort des semences commerciales et l’engrais dont celles-ci ont besoin. Toutefois, le prix n’est pas le seul argument en faveur des semences paysannes: au fil des millénaires, les paysan(ne)s ont sélectionné une grande variété d’espèces parfaitement adaptées aux conditions locales et capables de prospérer sans engrais ni pesticides. Maîtres de leurs semences, ils peuvent choisir celles qui satisfont le mieux leurs besoins et s’adaptent aux mutations de l’environnement, un atout de poids à l’ère des changements climatiques. Les trois quarts des espèces végétales ont en effet déjà disparu dans le monde. Il est crucial de préserver celles qui ont survécu, car elles sont indispensables à l’obtention de nouvelles espèces adaptées. Ce sont d’ailleurs souvent les espèces «anciennes» qui possèdent les propriétés les plus intéressantes, comme une résistance à certaines maladies ou à certains ravageurs.
La diversité des semences est indispensable si nous voulons une agriculture à faible impact environnemental, capable de relever le défi des changements climatiques. Et la meilleure façon de la préserver, c’est de la confier aux paysan(ne)s qui ressèment chaque année, et garantissent ainsi non seulement leur pain quotidien, mais aussi celui de l’humanité.
Patrimoine culturel
La sécurité alimentaire n’est pas le seul domaine dans lequel les semences jouent un rôle éminent: aux yeux de nombreuses communautés paysannes et indigènes de l’hémisphère sud, les semences sont un héritage de leurs ancêtres et constituent un patrimoine culturel de premier ordre, intimement lié aux traditions, à l’identité et à la spiritualité.
Comme dans de nombreuses autres régions du Guatemala, les communautés indigènes de Comitancillo, une ville à l’ouest du pays, bafouées et mises au ban de la société, vivent souvent en dessous du seuil de pauvreté. Elles reçoivent le soutien d’AMMID, un partenaire d’Action de Carême et de Pain pour le prochain. AMMID les accompagne dans la défense de leurs terres et les aide à pratiquer une agriculture durable. Ces communautés utilisent des semences sélectionnées avec soin. Les résultats sont là: elles obtiennent suffisamment de nourriture pour tous, sans appauvrir le sol déjà fortement mis à mal par les multinationales qui en extraient des minerais.
Fabiana Ventura Velasquez dirige à Comitancillo un groupe de 35 femmes, dont chacune produit ses propres semences. Ces femmes de l’ethnie maya mam se réunissent chaque semaine depuis sept ans. Elles protègent ensemble leurs terres, pratiquent l’entraide et mènent une vie en harmonie avec la nature. Elles produisent leurs semences de façon communautaire, ce qui leur garantit un certain degré de sécurité alimentaire. Pour elles, défendre leurs terres signifie aussi défendre la Terre.
La culture maya insiste en effet sur l’importance de trouver sa place dans le monde. Qu’y a-t-il devant nous, derrière, à côté? D’où venons-nous? Qui sont nos ancêtres? Nous avons besoin de toutes ces connaissances pour savoir quelle est notre place.
Une lutte aussi politique
L’engagement politique se fonde sur les mêmes postulats: il faut être en lien avec son environnement pour mener un combat politique. Les dirigeant(e)s spirituel(le)s ont pour tâche de s’en assurer. Et pour les Mayas, le maïs est sacré. Selon leurs mythes, les êtres humains ont été créés à partir de cette plante, de sorte qu’ils s’appellent hombres de maiz.
C’est aussi du maïs, hypersélectionné celui-ci, que les grands semenciers proposent aux paysan(ne)s à des prix irrésistibles la première année. Toutefois ces semences hybrides ne germent qu’une ou deux années, à condition en sus de les traiter avec des pesticides et des engrais que les paysan(ne)s doivent acheter au prix fort. Dès la troisième année, le rendement est médiocre et les familles paysannes ne disposent généralement plus d’assez d’argent pour racheter les lots combinés de semences, engrais et pesticides. Elles sont, dès lors, prises au piège de l’endettement.
La famille de Juan a trouvé la parade à ce cercle vicieux. Depuis plus de 150 ans, elle associe sur ses 130 mètres carrés de terrain, du maïs à des haricots, du café, des arbres fruitiers, des bananiers et des avocatiers, ainsi que de l’agave, dont elle tire des fibres. Sur cette parcelle fertile, elle cultive quatre variétés de maïs, une jaune, une rouge, une noire et une blanche (du maïs d’altitude).
Pour obtenir ses semences, elle choisit des épis sains, ni trop grands, ni trop petits, qu’elle suspend par les feuilles pour les faire sécher. Les grains sont ensuite mis à germer dans du sable. Juan et sa famille épandent du fumier de vache pendant la phase de croissance de la plante et font paître le bétail sur la parcelle après la récolte. Cette diversité et, en particulier, la combinaison de maïs et de haricots, permet à la grande famille de se prémunir contre les pires conséquences d’un climat toujours plus sec et de produire suffisamment tant pour s’alimenter que pour vendre du café, des bananes, des avocats et d’autres fruits. Enfin, non content de travailler comme cultivateur, Juan appartient aussi à un réseau qui défend l’agroécologie et la préservation des semences paysannes.
Si l’on veut protéger les variétés indigènes et les droits des Mayas, il faut exercer des pressions pour que les instances politiques adoptent une législation qui leur soit favorable. Action de Carême et Pain pour le prochain en sont persuadés. Ces pourquoi ces œuvres d'entraide soutiennent-elles un réseau qui lutte contre les pratiques commerciales des multinationales de l’agro-industrie qui tentent de faire passer des lois pour évincer les semences traditionnelles du marché.